Smart News Droit Social Mars 2022
Charlène Frey
Karine BézilleAssociéParisKarine Bézille
Charlotte SicsicCollaborateurParisCharlotte Sicsic
Léa DebabiCollaborateurParisLéa Debabi
Brandon ChengCollaborateurParisBrandon Cheng
Sarah HaouchineCollaborateurParisSarah Haouchine
Sandra HundsdörferAssociéParisSandra Hundsdörfer
Sophie MarinierAssociéParisSophie Marinier
Nous vous proposons de retrouver régulièrement une sélection de l’actualité légale et jurisprudentielle en droit social.
ACTU COVID-19
Allègement du protocole sanitaire et fin du port obligatoire du masque
ACTUALITÉ
Renforcement des obligations des entreprises d’au moins 50 salariés concernant l’égalité entre les femmes et hommes
Publication de la loi « 3DS » sur l’emploi des personnes handicapées
JURISPRUDENCE
La recherche de reclassement du salarié licencié pour inaptitude doit être loyale
Le dépassement de la durée du travail hebdomadaire maximale ouvre droit au salarié à une indemnisation, qu’il ait subi un préjudice lié à ce dépassement ou non
Des reproches formulés contre le salarié dans le cadre de son entretien d’évaluation peuvent être considérés comme constitutifs d’un avertissement
L’affichage par le CSE d’informations relatives à la vie privée de salariés est possible s’il est indispensable à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs
Le salarié exprimant son désaccord avec un projet de son employeur n’abuse pas de sa liberté d’expression et ne peut être licencié de ce fait
L’accord collectif ne peut permettre de déroger aux dispositions légales applicables au licenciement
Si la faute du salarié protégé persiste après sa période de protection, son licenciement n’est pas forcément soumis au régime protecteur
ACTU COVID-19
Allègement du protocole sanitaire et fin du port obligatoire du masque
Un décret du 12 mars 2022 a mis à jour le protocole sanitaire applicable en entreprise :
- L’obligation du port du masque est levée, y compris sur les lieux de travail (exceptés dans les établissements de santé) ;
- Depuis le 14 mars 2022, le passe vaccinal ne s’applique plus, et le passe sanitaire subsiste dans les établissements de santé ;
- Les mesures de distanciation sociale ne s’imposent plus, y compris dans l’entreprise et dans les espaces de restauration, mais les règles d’hygiène restent applicables ;
- L’amende de 500 euros pouvant être prononcée en cas de risque d’exposition à la Covid-19 est supprimée depuis le 14 mars.
Un « Guide-repère » recensant les mesures de prévention applicables en entreprise en lieu et place du protocole sanitaire, mis en ligne sur le site du Ministère du travail, rappelle un certain nombre de règles de protection, parmi lesquelles :
- Les obligations pesant sur les entreprises en termes de prévention des risques ;
- Le respect des mesures de protection des salariés (d’hygiène, d’aération…) ;
- Le rappel concernant la vaccination qui reste recommandée et peut être réalisée par les services de santé au travail.
Ce Guide repère remplace le protocole sanitaire en entreprise au 15 mars 2022.
Décret n°2022-352 du 12 mars 2022
ACTUALITÉ
Renforcement des obligations des entreprises d’au moins 50 salariés concernant l’égalité entre les femmes et hommes
Le 1er mars 2022, toutes les entreprises devaient publier sur leur site internet le score obtenu lors du calcul de l’index égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Un décret du 25 février 2022 a précisé les nouvelles règles, plus exigeantes, s’imposant aux employeurs.
En particulier, au plus tard au 1er septembre 2022, les entreprises ayant obtenu un niveau de résultat inférieur à 85 points devront fixer et publier des objectifs de progression pour tous les indicateurs dans lesquels ils ont obtenu des résultats insuffisants, qui seront également communiqués aux salariés. Ces objectifs resteront accessibles jusqu’à ce que l’entreprise atteigne 85 points.
Pour les entreprises ayant obtenu un niveau de résultat inférieur à 75 points, cette obligation se double d’une obligation de mise en place de mesures correctives et de rattrapage salarial qui devront être publiées, être communiquées aux salariés, et devront demeurer consultables sur le site internet de l’entreprise jusqu’à ce que l’entreprise atteigne le seuil de 75 points.
Décret n°2022-243 du 25 février 2022 relatif aux mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’entreprise
Publication de la loi « 3DS » sur l’emploi des personnes handicapées
La loi du 21 février 2022 de différenciation, de décentralisation, de déconcentration et de simplification, dite « Loi 3DS » met en place quelques mesures afin de favoriser l’emploi des personnes handicapées.
Elle prévoit en particulier :
- La mise en place d’un « parcours renforcé de l’emploi » une transition facilitée des travailleurs handicapés des ESAT vers le milieu ordinaire ;
- La reconnaissance automatique de la qualité de travailleur handicapé des mineurs dès 16 ans lorsqu’ils sont bénéficiaires de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et de la prestation de compensation du handicap, ou lorsqu’ils bénéficient d’un projet personnalisé de scolarisation ;
- La prolongation jusqu’au 31 décembre 2023 de l’expérimentation du recours à l’intérim pour les travailleurs handicapés mise en place par la loi Avenir professionnel de 2018 ;
- La possibilité, pour les personnes accueillies en ESAT, de travailler simultanément et à temps partiel dans une entreprise ordinaire ou une entreprise adaptée, ou d’exercer une activité professionnelle indépendante, dans la limite de 35 heures par semaine et dans des conditions qui seront définies par décret.
Loi n°2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale
JURISPRUDENCE
La recherche de reclassement du salarié licencié pour inaptitude doit être loyale
Conformément aux dispositions du Code du travail, lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, son employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutation, aménagement ou adaptation de postes existants ou aménagements du temps de travail, et conforme aux préconisations de la médecine du travail. La proposition d’emploi doit également être loyale et avoir été recherchée sérieusement.
Si tous ces critères sont remplis, l’employeur peut engager la procédure de licenciement du salarié ayant refusé la proposition de reclassement.
En revanche, la présomption de reclassement ne joue que si l’emploi proposé est réellement adapté à la situation du salarié et que l’employeur a exploré toutes les pistes permettant de maintenir le salarié dans l’emploi. Le fait de ne pas avoir proposé un poste sur lequel le salarié avait demandé à être reclassé, et qu’il maîtrisait, peut donc être de nature à remettre en cause la présomption de bonne exécution de l’obligation de reclassement.
L’ensemble des conditions encadrant l’obligation de reclassement du salarié déclaré inapte, conjuguées à l’exigence de bonne foi de l’employeur dans ses recherches, ne constituent pas une simplification de la procédure de licenciement pour ce dernier.
Cass. soc., 26 janvier 2022, n°20-20.369, FS-B
Le dépassement de la durée du travail hebdomadaire maximale ouvre droit au salarié à une indemnisation, qu’il ait subi un préjudice lié à ce dépassement ou non
En principe, l’indemnisation du salarié en cas de manquement de l’employeur à ses obligations n’est admise que dès lors que ce manquement a occasionné un préjudice pour le salarié.
Dans un arrêt du 26 janvier 2022, la Cour de cassation, conformément à la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE 14 octobre 2010 aff. 243/09), admet un nouveau cas dans lequel l’existence d’un préjudice subi par le salarié est indifférente : lorsque les durées maximales hebdomadaires du travail, soit 48 heures de travail par semaine, ne sont pas respectées par l’employeur, des dommages-intérêts devront nécessairement être attribués au salarié pour lequel les règles relatives à la durée du travail n’ont pas été respectées.
En conséquence, le salarié ne peut pas être débouté de sa demande de dommages et intérêts au motif qu’il n’a pas suffisamment démontré en ce quoi ce dépassement lui a porté préjudice.
Cette solution semble également pouvoir être étendue à toutes les limites maximales de travail ou minimales de repos.
Cass. soc., 26 janvier 2022, n°20-21.636, FS-B
Des reproches formulés contre le salarié dans le cadre de son entretien d’évaluation peuvent être considérés comme constitutifs d’un avertissement
Les reproches faits au salarié dans le cadre de son entretien d’évaluation ont été considérés comme constitutifs d’un avertissement disciplinaire à son encontre, ne permettant dès lors pas à l’employeur de prendre une seconde sanction pour les mêmes faits objets de ces reproches.
Dans un arrêt inédit, la Cour de cassation a en effet considéré que les griefs prononcés contre un salarié dans le cadre de son entretien d’évaluation et reportés dans le compte rendu de cet entretien constituaient un avertissement disciplinaire, de sorte que l’employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire concernant les faits ainsi reprochés à son salarié, et ne pouvait le licencier ensuite en s’appuyant sur ces mêmes manquements.
Cette solution enjoint les employeurs à une vigilance particulière dans la rédaction du compte rendu des entretiens périodiques d’évaluation de leurs salariés, dans lesquels il semble naturel que des reproches soient formulés. Il convient cependant de faire la distinction entre une faute et une insuffisance professionnelle non-fautive.
Cass. soc., 2 février 2022, n°20-13.833, FS-D
L’affichage par le CSE d’informations relatives à la vie privée de salariés est possible s’il est indispensable à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs
Les membres de la délégation du personnel du CSE peuvent « faire afficher les renseignements qu’ils ont pour rôle de porter à la connaissance du personnel sur des emplacements obligatoirement prévus et destinés aux communications syndicales, ainsi qu’aux portes d’entrée des lieux de travail » (article L.2315-15 du Code du travail), sans que la loi n’encadre le contenu de cet affichage ou ne prévoit pour l’employeur de possibilité de le contrôler au préalable.
La question s’est posée de l’opposition de cette prérogative du CSE au droit à la vie privée des salariés, dans le contexte d’un CSE ayant affiché sur un panneau prévu à cet effet une communication comportant un extrait d’échange par courriel entre un ancien directeur de l’établissement et le directeur chargé des questions d’hygiène, de sécurité et d’environnement.
Cet échange ayant été considéré comme « indispensable » à la défense du droit à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, mission dont est investi le CSE, l’atteinte à la vie privée des salariés concernés a été jugée proportionnée à ce but, de sorte que le CSE était autorisé à procéder à cet affichage.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel, considérant que le caractère indispensable de l’affichage d’un courriel à la défense du droit à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs n’était pas démontré.
Cass. soc., 16 février 2022, n°20-14.416, FS-B
Le salarié exprimant son désaccord avec un projet de son employeur n’abuse pas de sa liberté d’expression et ne peut être licencié de ce fait
Tout salarié garde le bénéfice de sa liberté d’expression, y compris dans le cadre de son travail, et ne peut être licencié pour avoir exprimé ses opinions, sous réserve de ne pas avoir abusé de cette liberté.
La Cour de cassation rappelle dans cet arrêt, rendu au visa de l’article L.1121-1 du Code du travail et de l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, que le licenciement d’un salarié, intervenu en violation de cette liberté, est sanctionné par la nullité, excluant l’application du barème Macron dans le cadre de la réparation du préjudice subi.
En l’espèce, le salarié « managing director » avait exprimé son opposition à une décision de la direction sans pour autant tenir de propos outranciers ou injurieux, de sorte que le licenciement intervenu à son égard était nul.
A l’inverse, une expression abusive, prenant la forme de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs peut caractériser une faute justifiant un licenciement.
Cass. soc., 16 février 2022, n°19-17.871, FS-B
L’accord collectif ne peut permettre de déroger aux dispositions légales applicables au licenciement
Dans le cadre d’un accord sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, il avait été prévu qu’un salarié refusant une modification de son contrat de travail résultant de l’application dudit accord se verrait faire l’objet d’un licenciement individuel pour motif économique.
Cependant, ces dispositions étaient contraires aux dispositions du Code du travail concernant les licenciements collectifs pour motif économique, nécessitant un certain nombre de licenciements pour motif économique sur une période donnée, et étant soumis à des procédures spécifiques.
La Cour de cassation a donc précisé que l’accord collectif ne pouvait pas déroger, en modifiant le motif pour lequel interviendraient les licenciements intervenus en application dudit accord, aux dispositions du Code du travail relatives à la cause du licenciement, qui revêtent un caractère d’ordre public.
Les dispositions de l’accord concerné sont donc nulles et de nul effet.
Cass. soc., 16 février 2022, n°20-17.644, FS-B
Si la faute du salarié protégé persiste après sa période de protection, son licenciement n’est pas forcément soumis au régime protecteur
Les salariés investis d’un mandat de représentation bénéficient d’une protection contre le licenciement, qui ne peut intervenir que dans le respect de cette procédure spécifique prévoyant avec une consultation préalable du CSE et une demande d’autorisation préalable adressées à l’inspection du travail sur une période couvrant l’intégralité de leur mandat et une période supplémentaire à l’expiration de ce dernier, qui est de 6 mois à partir du jour de l’expiration de son mandat ou de la disparition de l’institution représentative.
Cependant se pose la question du licenciement d’un salarié une fois qu’il n’est plus protégé par ce dispositif, lorsque son licenciement se fonde pour partie sur des faits intervenus pendant la durée de protection.
La Cour de cassation a tranché la question dans cet arrêt, de sorte que si le comportement reproché au salarié a persisté après l’expiration de la période de protection et que l’employeur n’a eu connaissance de ces faits qu’après l’expiration de cette même période, l’autorisation de l’inspecteur du travail n’était pas requise pour le licenciement du salarié.
Cass. soc., 16 février 2022, n°20-16.171, FS-B