Smart News | Droit de la construction et de l’urbanisme
Aurélie Dauger et Hélène Cloëz vous proposent de retrouver régulièrement une sélection de l’actualité légale et jurisprudentielle en droit de la construction et de l’urbanisme.
Droit de la construction
Du nouveau sur la fixation définitive des droits de l’assuré (DO) à l’expiration du délai de 90 jours suivant la déclaration de sinistre
Cass., civ. 3ème , 16 février 2022, n°20-22.618
Un assureur DO demandait le remboursement de l’indemnisation versée car « la nature des éléments devant donner lieu à indemnisation », ne relevait pas intégralement du caractère décennal selon l’assureur. Cette demande fondée sur la répétition de l’indu, a été rejetée dès lors qu’elle intervenait postérieurement à l’expiration du délai de 90 jours dont l’assureur DO disposait pour statuer sur l’indemnité.
Cet arrêt précise que les circonstances qui permettent à un assureur DO de solliciter le remboursement de l’indemnité qu’il a versée sont limitées à compter de l’expiration du délai de 90 jours suivant la réception de la déclaration de sinistre prescrit par l’article L. 242-1 du Code des assurances, qui contraint l’assureur DO à formuler une offre d’indemnité destinée au paiement des travaux de réparation à son assuré.
Ainsi, l’offre est définitive à l’expiration de ce délai, puisque l’assureur n’est plus à même d’en solliciter le remboursement, sauf à démontrer que ce montant n’a pas été affecté à la réparation du dommage par l’assuré.
Ce que cela implique
L’assureur DO doit analyser avec vigilance la situation de son assuré avant de lui proposer son offre d’indemnité car il n’est plus autorisé à en solliciter le remboursement à l’issue du délai de 90 jours suivant la déclaration de sinistre.
Du nouveau sur le respect de la procédure de DT/DICT ne dispense pas d’un référé préventif
Cass., civ. 3è, 16 février 2022, n°21-11.926, publié au bulletin
Un maître d’ouvrage qui s’apprêtait à procéder à des travaux de démolition / reconstruction sur des parcelles lui appartenant et sises à Paris, a assigné les constructeurs et riverains, dont les concessionnaires des réseaux avoisinants, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, aux fins de désignation d’un expert chargé d’une mission de référé préventif. La société GRDF, concessionnaire des réseaux de gaz, s’est opposée à cette demande et a sollicité sa mise hors de cause, au motif que cette procédure ne pouvait se cumuler avec la procédure obligatoire de déclaration de travaux (DT/DICT) prévue par les articles L.554-1 et suivants et R.554-1 et suivants du Code de l’environnement.
Le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, puis la cour d’appel de Paris, ont refusé de faire droit à cette demande. GRDF s’est donc pourvue en cassation.
La cour de cassation a rejeté le pourvoi. Elle retient que la cour d’appel a relevé, « par motifs propres et adoptés », que:
- les deux procédures n’ont pas le même objet,
- l’expertise préventive ne permet pas de déroger à la procédure obligatoire de DT/DICT, respectée en l’espèce,
- le seul respect de cette procédure n’exclut pas le risque de dommages aux propriétés de chacune des deux parties, ni la possibilité d’une action indemnitaire en conséquence, dont le bienfondé ne dépend pas seulement du respect de la règlementation environnementale, mais également d’autres éléments de fait et de droit. Compte tenu de la potentialité de ce litige, le respect de la procédure de DT/DICT ne privait pas le maître d’ouvrage d’un motif légitime à ce que la mesure d’expertise sollicitée soit ordonnée au contradictoire de GRDF.
A retenir
Le seul respect de la procédure DT/DICT ne suffit pas à protéger les droits du maître d’ouvrage vis-à-vis des concessionnaires de réseaux avoisinants. Il a donc un intérêt à engager à leur encontre une procédure de référé préventif. Cette décision pourrait mettre fin à la pratique de GRDF, qui refuse depuis quelques mois de participer pour ce motif aux procédures de référé préventif.
Du nouveau sur les troubles anormaux de voisinage : compétence du juge judiciaire en l’absence de dommage causé par un ouvrage public ou des travaux publics, même si le maître d’ouvrage est une personne publique
Cass. civ. 3ème, 16 février 2022, n°21-12107, publié
Une action fondée sur les troubles anormaux de voisinage a été portée devant le juge judiciaire à l’encontre d’une collectivité maître d’ouvrage qui a soulevé une exception d’incompétence de l’ordre judiciaire, en soutenant que:
- l’ acquisition de l’immeuble avait été déclarée d’utilité publique,
- les travaux présentaient un but d’intérêt général et devaient être considérés comme des travaux publics,
- de sorte que l’action relevait de la compétence du juge administratif.
La cour de cassation approuve la cour d’appel en ce qu’elle a retenu la compétence du juge judiciaire en l’absence de dommage pour les motifs suivants:
o la déclaration d’utilité publique est sans effet sur la qualification de l’activité exercée dans l’immeuble au jour du dommage,
o elle a souverainement apprécié qu’il n’était pas établi que les travaux poursuivaient un but d’intérêt général.
Ce que cela implique
En cas de trouble anormal de voisinage résultant de travaux réalisés sous maîtrise d’ouvrage d’une personne publique, il convient d’identifier s’ils sont liés à un ouvrage public ou à l’exécution de travaux public pour déterminer l’ordre juridictionnel, judiciaire ou public devant être saisi.
Du nouveau sur la prescription et le fournisseur
Cass., civ. 3ème, 16 février 2022, n° 20-19047
Le recours de l’entrepreneur à l’encontre du fournisseur en raison des vices affectant les matériaux qu’il a mis en œuvre pour la réalisation de l’ouvrage se prescrit à compter du jour où l’entrepreneur a lui-même été assigné par le maître de l’ouvrage.
La Cour de cassation écarte le point de départ de la vente initiale, qui conduirait à priver de recours l’entrepreneur et créer une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge.
Ceci a une double conséquence :
-Le délai biennal de l’article 1648 al 1er doit se calculer à partir de la date de sa propre assignation.
-Le délai de l’article L 110-4 I du code de commerce (délai de prescription de principe de 5 ans), qui court à compter de la vente est donc suspendu jusqu’à ce que sa responsabilité ait été recherchée par le maître de l’ouvrage.
Cette solution est cohérente avec l’ensemble d’arrêts du 16 janvier 2020 fixant le point de départ de l’action récursoire entre constructeurs au jour de l’assignation invoquant leur responsabilité au fond ou en référé.
Ce que cela implique
L’action récursoire de l’entrepreneur à l’égard du fabricant se prescrit à compter du jour où il est lui-même assigné et non pas du jour de la vente.
Droit de l’urbanisme
Du nouveau sur la publication de la loi 3DS au JO du 22 février 2022
La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale a été promulguée
La loi 3DS contient diverses dispositions intéressant le droit de l’urbanisme. Parmi les mesures adoptées, se trouvent notamment :
La possibilité de délimiter, dans un PLU ou PLUi, des secteurs où l’installation d’éoliennes sera soumise à certaines conditions (article 35)
Ces secteurs pourront être délimités dès lors que les éoliennes seront jugées « incompatibles avec le voisinage habité ou avec l’usage des terrains situés à proximité » ou bien lorsqu’elles seront considérées comme portant « atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité́ architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l’insertion des installations dans le milieu environnant ». Une modification simplifiée du PLU(i) et une enquête publique permettront aux collectivités de mettre en place de tels secteurs.
L’allongement du délai de prise en compte des objectifs ZAN (article 114)
Le calendrier d’intégration des objectifs de diminution de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) par les documents de planification régionale, prévu par la loi Climat et résilience, est rallongé de 6 mois.
De même, le délai de six mois dans lequel devait se tenir la conférence des SCoT est supprimé et l’échéance pour transmettre les propositions issues de la conférence est prolongée de six mois. Les modalités de désignation des représentants des collectivités non couvertes par un SCoT arrêté sont également précisées.
Extension des outils destinés aux projets partenariaux d’aménagement (PPA) et aux grandes opérations d’urbanisme (GOU) (article 112)
Le permis d’aménager multi-sites a été intégré au sein du code de l’urbanisme (article L. 312-2-1). Il est autorisé dans les périmètres d’un PPA. Aussi, au sein des périmètres des GOU, le titulaire du droit de préemption peut le déléguer à l’autorité compétente ou au concessionnaire d’une opération d’aménagement.
De même, le périmètre des établissements publics fonciers (EPF) peut s’étendre à des collectivités qui en font la demande dans le cadre d’un PPA.
Extension des outils destinés aux opérations de revitalisation des territoires (ORT) (articles 95, 96, 110 et 112)
Des opérations de revitalisation du territoire pourront désormais être conclues dans une ou plusieurs communes membres d’un EPCI sans « intégrer la ville principale de cet établissement », sous certaines conditions.
Aussi, de nouvelles dérogations aux règles d’urbanisme pourront être accordées dans les secteurs d’intervention des opérations de revitalisation de territoire.
De plus, les communes situées dans les territoires ayant signé une convention d’ORT peuvent décider, sous certaines conditions, de participer à l’expérimentation du transfert de la compétence en matière de délivrance des autorisations d’exploitation commerciale vers l’autorité compétente en matière d’urbanisme.
Enfin, le champ d’intervention des EPF peut être étendu aux collectivités situées dans le périmètre d’une ORT qui en font la demande. Le permis d’aménager multi-sites est également autorisé dans le périmètre d’une ORT et le droit de préemption urbain pourra aussi être délégué par son titulaire à une personne en charge de réaliser des opérations dans les secteurs délimités d’une ORT.
Du nouveau sur l’absence de co-visibilité avec un monument historique emporte la possibilité de ne pas indiquer les modalités d’exécution des travaux dans la notice architecturale
CAA Douai, 8 février 2022, n°21DA00541
Lorsqu’un projet porte sur un immeuble situé dans le périmètre des abords des monuments historiques, la notice architecturale doit indiquer les matériaux utilisés et les modalités d’exécution des travaux.
Toutefois, lorsque le pétitionnaire précise, dans sa demande initiale, les matériaux et couleurs choisis et que le projet n’entretiendra pas de co-visibilité avec un immeuble inscrit ou classé au titre des monuments historiques, l’absence de précision relative aux modalités d’exécution des travaux n’est pas de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité compétente sur la demande de permis.