Smart News | Droit de la construction et de l’urbanisme
Aurélie Dauger et Hélène Cloëz vous proposent de retrouver régulièrement une sélection de l’actualité légale et jurisprudentielle en droit de la construction et de l’urbanisme.
Droit de la construction
Du nouveau sur l’actualité jurisprudentielle : Les sanctions de l’article L242-1 du Code des assurances sont exclusives : l’assureur DO qui ne respecte pas les délais fixés par cet article, ne peut être sanctionné sur un autre fondement
Cass., civ. 3è, 21 septembre 2022, n°21-18.960, inédit
L’assurance DO fait l’objet d’un régime spécifique encadré par l’article L242-1 du Code des assurance, qui fixe un mécanisme et des délais assortis de sanctions.
En l’espèce, un assureur DO avait accepté le principe de sa garantie sans présenter d’offre d’indemnisation dans les délais de l’article L242-1, contraignant le propriétaire à agir en justice.
Celui-ci sollicitait l’indemnisation des préjudices immatériels résultant du retard de la prise en charge des désordres.
L’assureur DO contestait cette demande en opposant le plafond de la garantie facultative couvrant les préjudices immatériels.
La cour d’appel de Toulouse a retenu l’existence d’une faute de l’assureur DO qui n’avait pas respecté les délais de l’article L242-1 du Code des assurances, de nature à engager sa responsabilité contractuelle, pour le condamner à indemniser les préjudices immatériels nés du retard dans la mise en œuvre de la garantie, en écartant le plafond de la garantie facultative.
Cette solution est censurée par la Cour de cassation, laquelle retient que les sanctions de l’article L242-1 du Code des assurances sont exclusives de tout autre fondement. En conséquence, l’assureur ne peut être condamné à prendre en charge les dommages immatériels que dans le plafond de la garantie.
Ce que cela implique
Les préjudices immatériels nés du non respect par l’assureur DO des délais prévus par l’article L 242-1 du Code des assurances ne peuvent être indemnisés que dans la limite du plafond de la garantie facultative.
Du nouveau sur l’actualité jurisprudentielle : Des panneaux solaires en toiture d’un bâtiment de production d’énergie photovoltaïque constituent-ils un élément d’équipement à vocation professionnelle ?
Cass., civ. 3è, 21 septembre 2022, n°21-20.433, publié au bulletin
Si les dommages affectant un élément d’équipement peuvent, selon les cas, donner lieu à responsabilité décennale, ou à garantie de bon fonctionnement, ils sont exclus du champ de la responsabilité légale des constructeurs lorsqu’ils ont pour « fonction exclusive de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage », conformément à l’article 1792-7 du Code civil.
Très peu de décisions sont rendues sur ce fondement, ce qui rend le présent arrêt d’autant plus intéressant.
En l’espèce, une société ayant pour objet social la production d’énergie photovoltaïque avait fait installer des panneaux solaires en toiture d’un immeuble. Ceux-ci ont subi des dysfonctionnements créant notamment un risque d’incendie avéré. La Cour d’appel de Pau a débouté le maître d’ouvrage de ses demandes indemnitaires fondées sur les articles 1792 et 1792-3 du Code civil, estimant que ces ouvrages entraient dans le champ de l’article 1792-7 du même Code, puisqu’ils avaient pour vocation de permettre la réalisation de l’objet social du maître d’ouvrage, à savoir la production d’électricité photovoltaïque.
La Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt, considérant que les panneaux photovoltaïques n’étaient pas posés sur une toiture préexistante, mais avaient remplacé la précédente toiture, déposée, et qu’ils assuraient donc également une fonction de clos, couvert, et d’étanchéité du bâtiment. Il ne s’agissait donc pas d’un élément d’équipement mais bien d’un élément constitutif de l’ouvrage.
Cette solution est critiquable, s’agissant d’éléments qui « fonctionnent » et constituent donc indubitablement des équipements. Le fait qu’ils assurent une fonction de clos, couvert ou étanchéité aurait dû conduire la Cour à les ranger dans la catégorie des éléments indissociables de l’ouvrage, prévue par l’article 1792-2 du Code civil. Toutefois cela n’aurait pas permis d’écarter les effets de l’article 1792-7, qui s’étendent à ce type d’éléments d’équipement.
Ce que cela implique
On oublie trop souvent que les éléments d’équipement à vocation exclusivement professionnelle sont exclus du champ de la responsabilité décennale.
Toutefois, cette « Vocation exclusivement professionnelle » est une notion vague et peu encadrée par la jurisprudence.
Pour réintégrer de tels éléments dans le champ de la responsabilité des constructeurs, on aura donc intérêt à les présenter comme assurant une fonction de clos, couvert ou étanchéité, afin qu’ils soient considérés comme faisant partie de l’ouvrage.
Du nouveau sur l’actualité jurisprudentielle : Réforme des contrats spéciaux : le contrat de louage d’ouvrage deviendra-t-il un contrat d’entreprise?
Avant-projet de réforme des contrats spéciaux
Après la réforme de droit commun des contrats intervenue en 2016, la Direction des affaires civiles et du Sceau a mis en place une commission chargée d’élaborer un avant-projet de textes visant à moderniser le droit des contrats spéciaux. Celle-ci vient de rendre public son travail, portant notamment sur les contrats de vente, de prêts, de mandat ou encore de louage d’ouvrage des articles 1710 et 1779 du Code civil, au cœur des relations contractuelles de la construction.
Ce-dernier contrat serait renommé « contrat d’entreprise » et doté d’un nouveau régime se décomposant en des dispositions communes à tous les contrats d’entreprise et des dispositions spécifiques au contrat de construction.
Dans ce cadre, les régimes de notions fondamentales seraient modifiées telles que celle de la réception avec l’apparition d’une obligation de réceptionner un ouvrage achevé, celle de maître d’ouvrage nouvellement qualifié de client, celle l’immixtion fautive qui fait son entrée dans le code sous une définition revue.
L’avant-projet est aussi marqué par l’introduction d’un régime de la sous-traitance lacunaire qui ne traite pas de l’articulation avec la loi de 1975 et par la suppression des EPERS.
Loin d’être une codification à droit constant, cet avant-projet, qui fait l’objet d’une consultation publique jusqu’au 18 novembre prochain, fait réagir les acteurs du secteur qui veulent éviter une réforme source d’insécurité juridique et dont l’utilité pose question. A suivre donc.
Ce que cela implique
Le régime du contrat d’entreprise (ex louage d’ouvrage), est en passe d’être globalement réformé.
Droit de l’urbanisme
Du nouveau sur la réglementation : Le formulaire DENCI des dossiers de demandes de permis de construire est supprimé
A la suite de la réforme opérée par la loi de finances pour 2021, deux décrets (n° 2022-1102 du 1er août 2022 et n° 2022-1188 du 26 août 2022) ont conduit à la suppression de la déclaration des éléments nécessaires pour le calcul des impositions (DENCI) pour les demandes d’autorisations d’urbanisme déposées à compter du 1er septembre 2022, la déclaration fiscale se faisant désormais, 90 jours après l’achèvement.
Ainsi, le nouveau formulaire CERFA 13409*10 ne comporte plus de DENCI en annexe et ajoute en rubrique 9 « Attestation du demandeur ».
Cela concerne les demandes d’autorisation d’urbanisme initiale déposées à compter du 1er septembre 2022 ainsi que les autorisations d’urbanisme s’y rattachant, et les procès-verbaux établis après cette date constatant l’achèvement de constructions ou d’aménagements sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant d’une autorisation d’urbanisme initiale dont la demande a été déposée après le 1er septembre 2022 ou d’une autorisation d’urbanisme s’y rattachant.
En revanche, pour les demandes de permis de construire modificatif ou de transferts se rattachant à une demande d’autorisation d’urbanisme initiale déposée avant le 1er septembre 2022, la DENCI devra continuer à être renseignée.
Du nouveau sur l’actualité jurisprudentielle : Une déclaration préalable de simple division foncière n’est pas soumise à évaluation environnementale
CAA de Bordeaux, 28 septembre 2022, n° 20BX01551
La Cour était saisie de deux arrêtés de non-opposition à déclaration préalable qui avaient autorisé la création de deux lots à bâtir de grande superficie.
Après avoir indiqué qu’ « il résulte des dispositions de l’article L. 300-1 précité que l’aménagement, qui poursuit l’un des objectifs énoncés à cet article, est soit une opération d’ensemble conduite par une collectivité publique, soit une opération particulière que cette collectivité peut autoriser. Dans ce dernier cas, une telle opération d’aménagement peut prendre la forme d’un lotissement, lequel nécessite, quand sa réalisation implique la création de voies, d’espaces ou d’équipements destinés à un usage collectif, la délivrance d’un permis d’aménager », la Cour retient que « quand bien même une déclaration préalable est constitutive d’un lotissement, si elle ne porte que sur la division foncière d’une propriété sans conduire, par elle-même, à la création ou l’aménagement de voies, d’espaces ou d’équipements communs, elle ne constitue pas un aménagement au sens de l’article L.300-1 du Code de l’urbanisme et de la rubrique 33 du tableau annexé à l’article R.122-2 du code de l’environnement ».
Bien que rendue à propos de l’ancienne nomenclature, l’interprétation que fait le juge de la notion
d’ « aménagements » est transposable à la nouvelle nomenclature qui soumet à évaluation environnementale, à la rubrique 39, les « opérations d’aménagements ».