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Newsletter 04/04/2024

Smart News | Début de la période transitoire en vue de la généralisation de l’accès au marché des médicaments à base de cannabis

Smart News | Début de la période transitoire en vue de la généralisation de l’accès au marché des médicaments à base de cannabis

Le cannabis fait partie des substances frappées d’une schizophrénie juridique. A l’instar de plusieurs substances psychoactives, le cannabis est soumis à des régimes distincts aux antipodes l’un de l’autre en fonction de sa qualification. D’un côté, l’usage du cannabis figurant à l’arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants peut être illicite ; de l’autre, l’usage du cannabis peut désormais être pris en charge par l’Assurance maladie lorsqu’il est qualifié de médicament.

Après une expérimentation de plus de trois ans initiée par l’article 43 de la loi portant financement de la sécurité sociale (« LFSS ») pour 2020, l’article 78 de la LFSS pour 2024 a généralisé la possibilité de commercialiser des médicaments à base de cannabis.

Les médicaments à base de cannabis sont désormais définis à l’article L. 5121-1, 4° du Code de la santé publique (« CSP ») comme les médicaments dont la substance active est composée d’une préparation à base de cannabis sativa L., c’est-à-dire à base de chanvre industriel.

Conditions de commercialisation

La commercialisation des médicaments à base de cannabis est soumise à l’obtention préalable d’une autorisation d’utilisation pour une période temporaire délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (« ANSM ») pour une durée de 5 ans renouvelable. La délivrance de cette autorisation est conditionnée au respect de plusieurs critères :

  • le médicament est fabriqué par une entreprise pharmaceutique établie dans un Etat membre de l’Union européenne (« UE») ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;
  • le médicament doit répondre à des spécifications techniques fixées par arrêté (caractéristiques, composition, forme pharmaceutique, etc.) ;
  • l’utilisation du médicament est limitée à certaines indications thérapeutiques ou situations cliniques fixées par arrêté, sur proposition de l’ANSM après un examen de l’efficacité et le profil de sécurité du médicament qui doivent être présumés favorables sur la base des données disponibles ; et
  • la composition qualitative et quantitative du médicament doit correspondre à celle déclarée.

L’autorisation est assortie d’une obligation de recueil des données de suivi des patients traités à la charge du titulaire de l’autorisation. L’ANSM peut également prévoir des obligations supplémentaires à la charge du titulaire notamment en matière d’études de sécurité et d’efficacité à réaliser post-autorisation.

Les modalités de demandes d’autorisation d’utilisation pour une période temporaire à l’ANSM sont fixées par décret en Conseil d’Etat (Article L. 5121-20 du CSP)

Cette autorisation peut être modifiée, suspendue ou retirée par l’ANSM dans les conditions définies par décret en Conseil d’Etat. Certains médicaments à base de cannabis peuvent également être retirés par décision de l’ANSM dans l’intérêt de la santé publique.

La commercialisation des médicaments à base de cannabis en l’absence d’une telle autorisation est constitutive d’une infraction pénale soumise à une peine d’emprisonnement de 5 ans et une amende de 375 000 euros (Article L. 5421-6-3 du CSP).

Conditions de prise en charge

Ces médicaments peuvent faire l’objet d’une prise en charge par l’Assurance maladie dans les conditions prévues à l’article L. 162-17-2-4 du Code de la sécurité sociale (« CSS ») et par décret.

A la lecture de l’amendement n° 3298 du Gouvernement à la LFSS 2024 ayant introduit ce régime, la prise en charge des médicaments à base de cannabis sera conditionnée à un avis favorable de la Haute autorité de santé (« HAS »). En cas d’avis défavorable de la HAS, les médicaments ne seront pas pris en charge.

Le prix de vente des médicaments aux officines et établissements de santé est fixé par arrêté selon les spécifications techniques du médicament et en fonction des prix européens présentant une taille totale de marché comparable déterminés par décret. En tout état de cause, le prix maximum des médicaments à base de cannabis est limité par le prix des spécialités comparables ou à même visée thérapeutique.

Conditions de délivrance et de communication

Les médicaments à base de cannabis ont un caractère purement supplétif. Ils ne peuvent être délivrés que sur prescription, pour les besoins spécifiques d’un patient déterminé en l’absence d’une spécialité pharmaceutique disponible et adaptée dans l’indication thérapeutique considérée. Cette condition est également en cas d’indisponibilité temporaire d’alternatives thérapeutiques, liée par exemple à une rupture de stock.

Eu égard au caractère particulièrement sensible de ces médicaments, la communication des titulaires d’autorisation est particulièrement encadrée. L’information faite au public et aux professionnels de santé sur les médicaments à base de cannabis ne doit pas être constitutive d’une publicité et doit respecter le cadre fixé par le directeur général de l’ANSM :

  • la diffusion d’une information sans respecter le cadre fixé par l’ANSM est constitutive d’un manquement soumise à pénalité financière (Article 5421-8 du CSP) ; et
  • la diffusion d’une publicité au public est constitutive d’une infraction pénale soumise à une peine d’emprisonnement de 5 ans et une amende de 375 000 euros (Article 5421-6-3 du CSP).

Entrée en vigueur et textes d’application

Le régime généralisé de commercialisation des médicaments à base de cannabis a vocation à remplacer complètement le régime d’expérimentation de 2020 au plus tard le 31 décembre 2024 et devrait entrer en vigueur progressivement après l’adoption des textes d’application.

L’échéancier des textes d’application n’a pas encore été publié mais, sur la base du texte de l’article 78 de la LFSS 2024, les textes d’application à adopter devraient consister en :

  • un décret en Conseil d’Etat définissant notamment les modalités de demande d’autorisation par les fabricants de médicaments à base de cannabis, les critères de retrait des produits dans l’intérêt de la santé publique et les conditions de modification, de suspension et de retrait des autorisations d’utilisation pour une période temporaire ;
  • un décret en Conseil d’Etat précisant les modalités de prise en charge des médicaments à base de cannabis ;
  • un décret fixant les prix et tarifs européens présentant une taille totale de marché comparable permettant de déterminer le prix des médicaments à base de cannabis ; et
  • un arrêté fixant :
  • les spécifications techniques auxquelles doivent satisfaire les médicaments autorisés ; et
  • les indications thérapeutiques et situations cliniques pour lesquelles l’utilisation de médicaments à base de cannabis est susceptible d’être autorisée.

Ces indications devraient être sensiblement les mêmes que celles prévues dans le cadre de l’expérimentation et concernaient un champ très limité de pathologies[1].

A titre transitoire, depuis le 26 mars 2024, les médicaments à base de cannabis autorisés dans le cadre de l’expérimentation font l’objet d’une prise en charge par l’Assurance maladie selon les conditions et les prix fixés par un arrêté du 27 mars 2024.

Cette phase transitoire s’applique jusqu’à ce qu’un médicament à base de cannabis soit autorisé conformément au dispositif général susmentionné et au plus tard, jusqu’au 31 décembre 2024.

Une autorisation des médicaments à base de cannabis qui demeure limitée en pratique et temporaire

De nombreux Etats membres de l’UE ont considéré que l’accès au cannabis thérapeutique devait être autorisé. Ce sont aujourd’hui 21 Etats membres de l’UE qui ont légiféré en ce sens pour diverses indications limitées dans chaque Etat.

Toutefois, le Gouvernement a expressément indiqué dans l’amendement ayant introduit l’article 78 de la LFSS 2024 que ce régime a vocation à demeurer « restreint à des indications très limitées, dans l’attente de l’évolution en cours par les instances européennes sur l’inscription éventuelle de ces produits dans une autorisation de mise sur le marché relevant d’un usage médical bien établi ».

Ce régime national n’a donc qu’un « statut temporaire »[2], et l’évolution européenne devrait intervenir bientôt. Lors des débats parlementaires, Aurélien Rousseau, alors ministre de la Santé, avait indiqué que bien qu’il n’y ait « pas à ce stade d’autorisation de mise sur le marché à l’échelle européenne », celle-ci devrait être décidée « en 2025 ».

 

[1]     Les cinq indications visées par l’expérimentation sont : les douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapies accessibles ; certaines formes d’épilepsie pharmaco-résistantes ; certains symptômes rebelles en oncologie liés au cancer ou au traitement anticancéreux ; les situations palliatives ; la spasticité douloureuse de la sclérose en plaques ou des autres pathologies du système nerveux central.

[2]     V. l’exposé des motifs de l’amendement n° 3298.