Smart News | Immobilier Résidentiel
Sidonie Fraîche-Dupeyrat
Cécile BénolielCollaborateurParisCécile Bénoliel
Smart News | Immobilier Résidentiel
Le logement est sous les feux de la rampe ces dernières semaines après le congrès des notaires qui lui consacrait ses travaux d’étude, l’annonce de deux projets de loi « logement » et diverses déclarations politiques confuses sur le calendrier des obligations en matière de performance énergétique. Par ailleurs, la loi de 1989 a fait l’objet de plusieurs modifications cet été.
L’équipe résidentielle de LPA-CGR avocats, a donc jugé utile de vous adresser un flash d’actualité juridique au terme de ces mois de rentrée. Il s’agit d’attirer votre attention, sans être exhaustif, sur les modifications essentielles survenues récemment dans le secteur du logement, par ordre thématique.
1. Report de calendrier d’interdiction de location des logements classés F et G : beaucoup de bruit pour rien
Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a semé le doute dans le secteur résidentiel à la suite d’une interview aux lecteurs du Parisien du 27 septembre 2023, concernant le sujet des rénovations énergétiques, en se déclarant ouvert à une révision du calendrier d’entrée en vigueur des critères de non-décence liés à la performance énergétique.
Pour mémoire, les logements dits « G+ » (plus de 450 kwh/m²/an de consommation d’énergie finale) sont exclus du champ de la décence depuis le 1er janvier dernier (décret n°2002-120 dit « décret décence ») au fur et à mesure de la conclusion ou du renouvellement des baux les concernant.
Les logements suivants seront progressivement exclus des critères de décence :
- les logements classés G à compter du 1er janvier 2025 ;
- les logements classés F à compter du 1er janvier 2028 ;
- les logements classés E à compter du 1er janvier 2034.
Le jour même de la parution du journal, dès 13 heures, Batiactu ajoutait cependant que Bruno Le Maire aurait fait « machine arrière sur le décalage du calendrier » en présentant le projet de finance pour 2024.
Le maintien du calendrier rappelé ci-dessus a été réaffirmé clairement par le ministre délégué auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires et chargé du logement, Patrice Vergriete, au Congrès National des Notaires qui se tenait la même semaine.
La position de Bruno Le Maire a rencontré des critiques au sein même de sa majorité, notamment du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, de la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher et de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet.
Ces déclarations restent donc sans conséquence juridique à ce jour, retenez que le calendrier est maintenu !
2. Plafonnement : extension de la liste des communes situées en zone tendue depuis le 27 août 2023 !
Pour mémoire, l’article 18 de la loi de 1989 définit les zones tendues dans lesquelles s’applique le plafonnement des loyers (augmentation limitée aux variations de l’IRL). Pour définir ces zones, son décret d’application renvoie au décret d’application de l’article 232 du Code général des impôts, relatif à la taxe sur les logements vacants.
Mais la loi de finance publiée en décembre 2022 distingue désormais sous cet article, les zones tendues dans les zones d’urbanisation continue de plus de cinquante mille habitants (définition identique à celle de la loi de 1989), d’une nouvelle catégorie de zone tendue, située hors « zone d’urbanisation continue de plus de cinquante mille habitants ».
Dans le décret d’application de l’article 232 modifié, il convient donc désormais, pour identifier les communes dans lesquelles s’applique le plafonnement des loyers de l’article 18 de la loi de 1989, de se référer uniquement à la première catégorie, réunissant les zones d’urbanisation continue.
De plus, cette liste a été complétée par le décret du 25 août 2023 et comprend désormais 47 agglomérations au lieu de 28 (liste modifiée sous ce lien). Le plafonnement des loyers s’appliquera dans 20 nouvelles agglomérations et l’agglomération de Beauvais en est libérée.
Cette nouvelle liste s’applique vraisemblablement à toute conclusion et à tout renouvellement formel ou tacite de bail depuis le 27 août dernier, en l’absence de précisions textuelles sur son entrée en vigueur.
3. Dernières modifications de la loi du 6 juillet 1989
3.1. Locataires protégés : nouvelle catégorie de bénéficiaires depuis le 21 juillet 2023
En vertu du nouveau paragraphe IV introduit par la loi n°2023-622 du 19 juillet 2023 « visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité », il existe depuis le 21 juillet 2023 une nouvelle catégorie de locataires protégés, i.e. bénéficiaires d’un droit au relogement en cas de congé du bailleur.
Il s’agit du locataire bénéficiaire de l’allocation dite « allocation journalière de présence parentale » dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond défini par arrêté. Ladite allocation est octroyée en présence d’un enfant atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident d’une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants.
3.2. Effet de la clause résolutoire : délai raccourci à six semaines depuis le 29 juillet 2023
Depuis le 29 juillet 2023, la loi du 6 juillet 1989 est modifiée par la loi dite « Kasbarian » ou « anti-squat » n°2023-668, du 27 juillet 2023.
Dorénavant, tout bail contient de plein droit une clause de résiliation du bail pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie. Cette disposition suggère qu’une clause résolutoire existerait dans tout bail soumis à la loi du 6 juillet 1989, par l’effet de la loi, même dans le silence du contrat.
De plus, le délai de prise d’effet de la clause résolutoire est réduit. Elle prend effet non plus à l’expiration d’un délai de deux mois, mais de six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux.
Le juge pourra toutefois suspendre d’office ou à la demande du locataire ou du bailleur les effets de cette clause (voir ci-après).
Le délai dans lequel l’assignation doit être notifiée par le commissaire de justice au préfet avant l’audience est également réduit de 2 mois à 6 semaines.
La question de l’application de la loi Kasbarian aux baux en cours est cependant délicate. En l’absence de dispositions de la loi sur son application dans le temps, il pourrait être raisonnablement soutenu que les contrats en cours pourraient y être soumis par application de la théorie de l’effet légal des contrats. Cette solution est cependant incertaine et son application pourrait, si elle n’est pas confirmée, conduire à délivrer un commandement visant un délai écourté, et invalidant le commandement. En l’absence de précision textuelle, la précaution conduirait à ne pas appliquer le nouveau texte aux baux en cours, mais cela ferait perdre à cette disposition une grande partie de son intérêt.
3.3. Délais d’expulsion et délais de grâce en cas d’acquisition de la clause résolutoire
Outre quelques ajustements de la procédure d’expulsion dans le code des procédures civiles d’exécution, la loi Kasbarian réduit les délais supplémentaires pouvant être accordés par le juge au locataire dans le cadre d’une procédure d’expulsion. Auparavant compris entre 3 mois et 3 ans, les délais supplémentaires pour quitter les lieux sont désormais limités de 1 mois à 1 an.
Par ailleurs, des délais de paiement pouvant aller jusqu’à trois années peuvent être accordés au locataire, lorsque le juge constate l’acquisition de la clause résolutoire.
Le juge devra dorénavant opérer deux vérifications cumulatives avant de pouvoir autoriser de tels délais : (i) apprécier la capacité financière du locataire à apurer sa dette, (ii) et surtout vérifier que le paiement des loyers courants a intégralement repris, ce qui limite grandement le pouvoir d’appréciation du juge.
De plus, le législateur codifie et systématise la pratique consistant pour le juge à prévoir que la suspension des effets de la clause de résiliation « tombera » dès le premier impayé, ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative selon les modalités fixées.
3.4. Nouvelles mentions fiscales et énergétiques dans décret bail type
En application du décret n°2023-796 du 18 août 2023, à compter du 1er janvier 2024, le décret bail type comprend désormais la mention de (i) l’identifiant fiscal du logement (ii) et du calendrier d’entrée en vigueur des conditions de performance énergétique minimale du logement par seuils, du 1er janvier 2025 (exclusion de la catégorie G) au 1er janvier 2034 (exclusion de la catégorie E) en métropole, et du 1er janvier 2028 (exclusion de la catégorie G) au 1er janvier 2031 (exclusion de la catégorie F) en Guyane, à la Réunion et à Mayotte.
4. Sanction pénale de l’occupant sans droit ni titre
Enfin, la loi Kasbarian durcit les sanctions existantes en cas de squat d’un logement (délit de violation de domicile), notamment en portant les peines encourues à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende (contre un an de prison et 15 000 euros d’amende jusqu’à présent).
De plus, la notion de domicile est modifiée de manière à élargir le champ de ce délit : le domicile inclut désormais, tous les locaux meublés d’une personne, qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale et qu’elle y habite ou non.
Cette loi crée ensuite une nouvelle infraction : « l’occupation frauduleuse d’un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel » (i.e. d’un local autre que le domicile). Sont ainsi créés les nouvelles infractions suivantes :
- L’introduction et le maintien dans un tel local, punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende,
- Le maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois, passible de 7 500 euros d’amende.
Le texte est entré en vigueur depuis le 29 juillet 2023.