Smart Alert Covid-19 | Point sur les dernières évolutions concernant les délais administratifs
Covid 19 : point sur les dernières évolutions concernant les délais administratifs (délais de recours, délais d’instructions, délais de validité, délais juridictionnels)
Dans ce contexte particulier d’état d’urgence sanitaire, déclaré le 23 mars 2020 par la loi n°2020-290 jusqu’au 23 mai 2020 inclus et prolongé, par la loi n°2020-546 du 11 mai 2020, jusqu’au 10 juillet 2020 inclus, ont été adoptées plusieurs ordonnances destinées à adapter les procédures juridiques, notamment l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période et l’ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions administratives.
Ces dispositions ont fait l’objet de plusieurs modifications, notamment :
- l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 ;
- l’ordonnance n°2020-539 du 7 mai 2020 fixant des délais particuliers applicables en matière d’urbanisme, d’aménagement et de construction pendant la période d’urgence sanitaire ;
- l’ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d’urgence sanitaire.
I. Sur l’ordonnance n°2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période
L’ordonnance n°2020-306 prévoit la mise en place d’une « période juridiquement protégée » et instaure un dispositif de report de divers délais et dates d’échéance échus durant cette période.
A la suite de l’ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020, la période juridiquement protégée a été fixée du 12 mars au 23 juin 2020 inclus.
Les dispositions de l’ordonnance n°2020-306 affectent, notamment, les délais de recours, les délais d’instruction, la durée de validité des autorisations et les enquêtes publiques.
1. Délais de recours
L’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 prévoit que « tout acte, recours, action en justice » à son article 2 qui aurait dû être accompli entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus, pourra être effectué dans les délais habituels dont la computation ne commencera à courir qu’à compter de la fin de cette période, soit à compter du 24 juin 2020 (article 2 al. 1er). Concrètement, les délais de recours repartent à compter du 24 juin pour leur durée totale, dans une limite de deux mois fixée par l’ordonnance, soit jusqu’au 24 août 2020 au plus.
Par ailleurs, s’agissant des recours administratifs, gracieux et hiérarchiques, hors recours administratifs préalables obligatoires, qui ne sont pas soumis à des conditions de délais obligatoires, la situation n’est pas clairement précisée. Ne bénéficiant pas de délais obligatoires, ils pourraient ne pas bénéficier de ces dispositions.
Néanmoins, concernant les recours administratifs introduits dans le délai de recours contentieux aux fins d’interrompre celui-ci, en application de l’article L. 411-2 du code des relations entre le public et l’administration, la formulation de l’article 2 de l’ordonnance n°2020-306 est générale et mentionne « tout recours » devant être introduit dans un certain délai. Il paraît donc possible de considérer que l’introduction d’un recours gracieux dans un délai de deux mois à compter du 24 juin 2020 conservera de deux mois supplémentaires le délai de recours contentieux. Néanmoins, compte tenu des conséquences radicales qui seraient supportées par un requérant potentiel, la prudence conduira à déposer le recours gracieux dans les délais de droit commun.
Dispositions spécifiques aux autorisations d’urbanisme :
Les délais de recours contre les autorisations d’urbanisme, à savoir les recours et déférés préfectoraux à l’encontre d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir non échus avant le 12 mars, sont suspendus.
Il s’agit bien d’une suspension et non d’une prorogation de délai. Ce n’est donc pas un nouveau délai de deux mois qui court, mais uniquement la durée restant à courir au 12 mars, avec une limite minimale de sept jours fixée par l’ordonnance (article 12 bis al. 1er).
Pour ces mêmes recours dont les délais auraient dû commencer à courir entre le 12 mars et le 23 mai 2020, le point de départ est reporté à l’achèvement de cette période (article 12 bis al. 2).
2. Délais d’instruction
Concernant ensuite les délais d’instruction, les demandes d’autorisation en cours d’instruction qui ne sont pas arrivées à expiration avant le 12 mars 2020 sont suspendues jusqu’au 23 juin 2020 inclus. Il s’agit ici également d’une suspension et non d’une prorogation de délai (article 7 al. 1er). Par ailleurs, lorsque leur point de départ aurait dû commencer à courir entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, ce dernier est reporté à l’achèvement de cette même période ; le délai commence alors à courir à compter du 24 juin 2020 (article 7 al. 2).
Ces mêmes règles s’appliquent concernant les délais impartis aux organismes pour la vérification du caractère complet d’un dossier mais également pour la sollicitation des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande (article 7 al. 3).
On relèvera d’une part, qu’à ce stade, le champ d’application de la suspension des délais prévus par la procédure d’instruction, établi aux articles 6 et s. de l’ordonnance n° 2020-306, ne vise que les délais qui pouvaient être opposés par les pétitionnaires à l’administration. En effet, l’article 6 de l’ordonnance énonce que le « titre s’applique aux administrations de l’Etat, aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics administratifs ainsi qu’aux organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d’une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale ». Ainsi, il ne semble pas en aller de même des délais imposés aux pétitionnaires par exemple pour déposer des compléments de dossier. Ainsi, ces derniers devront veiller à produire tous documents dans les délais requis, même si ceux-ci expirent entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020.
On soulignera, d’autre part, que cette suspension ne fait pas, en théorie, obstacle à ce que l’administration, et notamment les Préfectures en charge de l’instruction des demandes d’autorisation environnementale, poursuivent l’instruction des demandes déjà déposées. Les pétitionnaires devront demeurer vigilants, afin de s’assurer d’être en mesure de suivre et de répondre, dans l’hypothèse où un service décide de poursuivre l’instruction.
Dispositions spécifiques aux autorisations d’urbanisme :
L’ordonnance du 7 mai 2020 est venue apporter des précisions quant aux délais d’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme.
Les délais d’instruction des demandes d’autorisation et de certificats d’urbanisme et des déclarations préalables prévus par le livre IV du code de l’urbanisme, y compris les délais impartis à l’administration pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires, qui n’ont pas expiré au 12 mars 2020, sont suspendus et reprennent au 24 mai 2020 (article 12 ter al. 1). Ceux qui auraient dû commencer à courir entre le 12 mars et le 23 mai 2020 sont reportés à son achèvement (article 12 ter al. 2).
Ces règles s’appliquent également aux délais impartis aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, aux services, autorités ou commissions, pour émettre un avis ou donner un accord dans le cadre de l’instruction d’une demande ou d’une déclaration ainsi qu’au délai dans lequel une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou une autorisation d’urbanisme tacite ou explicite peut être retirée, en application de l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme (article 12 ter al. 3).
Dispositions spécifiques aux enquêtes publiques :
Concernant le cas des enquêtes publiques, l’article 12 prévoit une adaptation de celles en cours au 12 mars 2020 ou devant être organisées entre le 12 mars 2020 et le 30 mai 2020 (article 12 al. 1er).
Pour les enquêtes publiques portant sur des projets urgents, présentant un intérêt national, dont le retard rendrait le projet difficilement réalisable, l’autorité peut prévoir que l’enquête publique en cours se poursuivra uniquement via des moyens électroniques dématérialisés ou organiser une enquête publique d’emblée conduite uniquement par des moyens électroniques dématérialisés (article 12 al. 2).
Lorsque la durée de l’enquête court au-delà du 30 mai 2020, l’autorité peut choisir de revenir aux modalités d’organisation de droit commun (article 12 al. 3).
Dans tous les cas, « le public est informé par tout moyen compatible avec l’état d’urgence sanitaire de la décision prise » en application de cet article 12 (article 12 al. 4).
Il peut également être noté que, sous réserve de cet article 12, les délais de consultation et de participation du public sont suspendus jusqu’au 30 mai 2020 inclus (article 7 al. 4).
3. Délais de validité des autorisations
Concernant la durée de validité des autorisations, l’ordonnance prévoit la prorogation de plein droit des délais expirant pendant la période juridiquement protégée jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois suivant la fin de cette période. Cette prolongation s’applique notamment aux « autorisations, permis ou agréments » (article 3).
Ainsi, les durées de validité des autorisations environnementales, permis de construire ou autorisations de défrichement, notamment, qui devaient expirer entre le 12 mars et le 23 juin 2020, sont prorogées de plein droit jusqu’au 24 septembre 2020.
Dans un contexte inédit, ces ordonnances, prises après une procédure également inédite, doivent être regardées avec précaution. En pratique, les pétitionnaires et titulaires d’autorisation auront toujours intérêt à respecter, autant que possible, les délais prévus initialement et à n’utiliser ces délais suspendus, prorogés ou reportés qu’en dernière sécurité.
L’ordonnance n°2020-306 renvoie par ailleurs à des dispositions particulières, prises par décret, le soin de déterminer les « catégories d’actes, de procédures et d’obligations » pour lesquelles le cours des délais reprend, eu égard, notamment, à l’objectif « de préservation de l’environnement » (article 9). Ces dispositions impliquent d’être vigilant sur les délais applicables pour certaines catégories d’actes.
II. Sur l’ordonnance n°2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions administratives
L’ordonnance n°2020-305 prévoit, par application de l’article 2 de l’ordonnance n°2020-306, que le délai pour introduire une requête, s’il devait normalement expirer au cours de la période d‘état d’urgence allongé d’un mois, sera automatiquement prorogé (article 15). Il faut donc considérer qu’il recommencera à courir à compter de la fin de cette période, soit le 24 juin.
L’ordonnance précise par ailleurs que, si les délais habituels demeureront applicables et seront prorogés, ils ne le seront que dans la limite de deux mois à compter de la date de cessation de cette période. Par conséquent, les requêtes qui auraient dû être introduites entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020, pourront être déposées dans le délai normalement applicable, sans pouvoir excéder deux mois, soit, en l’état, jusqu’au 24 août 2020 au plus tard.
Cette disposition doit s’appliquer qu’il s’agisse pour le pétitionnaire de contester une décision de refus qui lui aurait été opposée ou aux tiers pour contester une autorisation délivrée.
Ce dispositif apporte une certaine souplesse aux requérants, qu’il conviendra de manier avec précaution, dans la mesure où les conséquences de l’expiration du délai seraient radicales, puisqu’elles conduiraient à l’irrecevabilité d’une requête.
Par ailleurs, l’ordonnance revient sur les clôtures d’instruction devant intervenir entre le 12 mars et le 23 mai 2020 sont prorogés de plein droit jusqu’au 23 juin inclus.
De même l’ensemble des mesures d’instruction dont le terme doit intervenir du 12 mars au 23 juin 2020 sont prorogés jusqu’au 24 août 2020 inclus (article 16).
S’agissant de la tenue des audiences, l’ordonnance prévoit la mise en place d’un dispositif procédural inédit ayant trait à la possibilité de tenir des audiences par un « moyen de télécommunication audiovisuelle », voire par communication téléphonique (article 7). Si l’ordonnance n°2020-305 prévoit que ce type d’audience devra garantir le respect des principes essentiels que sont la confidentialité des échanges entre l’avocat et son client, ainsi que la certification de l’identité de la personne se présentant à l’audience, la nature de ce support informatique doit encore être précisée. L’ordonnance ne renvoie pas la détermination de ces outils à un décret et renvoie au juge compétent d’organiser et de conduire cette procédure. Chaque formation de jugement pourra, par exemple, déterminer le mode de communication privilégié.
En pratique, l’utilisation de moyen de télécommunication audiovisuelle pour les audiences dépend de la volonté et de la capacité de chaque juridiction.
En matière de référé, une dérogation d’importance est prévue par l’ordonnance n°2020-305, puisqu’elle donne compétence au Juge des référés de statuer sans audience et par ordonnance motivée (article 9). Cette dérogation suspend l’essence du référé en contentieux administratif, qui repose habituellement sur une oralité accrue et dont l’instruction demeure ouverte lors de l’audience. Il incombera donc aux parties de veiller à produire avec suffisamment de détails les éléments qu’ils entendaient produire à l’audience, si la juridiction devait décider de dispenser la requête d’audience.
D’autres assouplissements procéduraux tirant les conséquences d’une limitation de la circulation des individus sont mis à disposition de la juridiction, pendant toute la durée de l’état d’urgence (soit jusqu’au 10 juillet 2020 inclus), avec notamment la possibilité de statuer sans conclusions préalables du Rapporteur public, l’absence d’audience publique, ou encore la signature de la minute de la décision par le seul président de la formation de jugement (articles 8, 10 et 12).
On soulignera également que la notification des décisions aux parties, habituellement opérée par courrier recommandé envoyé par la juridiction, est désormais, pendant la période d’état d’urgence, réputée réalisée par l’expédition à l’avocat de chaque partie (article 13). En pratique, cette transmission au mandataire devrait passer par la plateforme Télérecours, habituellement utilisée. Cette notification à l’avocat déclenchera les délais de recours, en lieu et place de la notification aux parties.