Smart Alert Covid-19 | Hong Kong | Confinement et résidence fiscale en France : les risques pour les non-résidents
28 avril 2020
Smart Alert Covid-19 | Hong Kong | Confinement et résidence fiscale en France : les risques pour les non-résidents
En réaction à la progression rapide du COVID19, le gouvernement français a mis en place des mesures exceptionnelles de confinement qui sont entrées en vigueur le 17 mars dernier. Ces mesures ont été étendues jusqu’au 11 mai. Le trafic aérien a par ailleurs été ralenti et de nombreuses destinations hors de France ne sont plus desservies.
Certains non-résidents se sont retrouvés bloqués en France, seuls ou avec leur famille, ne pouvant repartir dans leur pays de résidence habituelle, allongeant ainsi la durée de leur séjour en France. Cette situation pose la question de savoir si ce séjour prolongé et contraint des non-résidents en France, du fait des mesures de confinement, pourrait avoir un impact sur la détermination de leur résidence fiscale. L’enjeu est de taille dans la mesure où les particuliers qui ont leur domicile fiscal en France sont imposables sur l’ensemble de leurs revenus (français et étrangers) tandis que ceux qui ont leur domicile fiscal hors de France ne sont passibles de cet impôt qu’à raison de leurs seuls revenus de source française.
De la même façon, les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France (dès lors que la valeur de leur patrimoine immobilier net imposable est supérieur à 1,3 million d’euros) sont soumises à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), à raison de leurs biens immeubles et droits immobiliers détenus directement et indirectement en France et en dehors de France alors que les non-résidents ne sont soumis à l’IFI qu’à raison de leurs biens et droits immobiliers situés en France.
Au regard du droit interne français, une personne sera considérée comme domiciliée fiscalement en France si l’une des conditions suivantes est remplie (article 4 B du Code Général des impôts) :
- elle a en France son foyer (i.e. sa famille) ou le lieu de son séjour principal (pour les contribuables qui n’ont pas de foyer) ; ou
- elle exerce en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elle ne justifie que cette activité y est exercée à titre accessoire (depuis la loi de finances pour 2020, les dirigeants des entreprises dont le siège est situé en France et qui y réalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur à 250 millions d’euros sont considérés comme exerçant en France leur activité professionnelle à titre principal, à moins qu’ils ne rapportent la preuve contraire. Pour les entreprises qui contrôlent d’autres entreprises dans les conditions définies à l’article L. 233-16 du code de commerce, le chiffre d’affaires s’entend de la somme de leur chiffre d’affaires et de celui des entreprises qu’elles contrôlent); ou
- elle a en France le centre de ses intérêts économiques.
Ces critères étant alternatifs et non cumulatifs, il suffit qu’un seul soit rempli pour que la domiciliation fiscale en France soit établie, indépendamment du fait que la personne soit considérée, en droit étranger, comme résidente fiscale d’un autre pays. En cas de conflit de résidences fiscales (la personne physique étant considérée comme à la fois résidente fiscale en France et à l’étranger par les autorités fiscales des pays concernés), la question sera tranchée par l’application de la convention fiscale applicable, laquelle prévaut sur le droit interne national.
Dès lors, si en raison du confinement, une personne, seule ou avec sa famille, est restée en France durant une période prolongée, pourrait-elle être considérée comme ayant transféré son foyer en France au titre de l’année 2020 ?
Le Conseil d’Etat s’est prononcé sur cette question en 1995 à propos d’un séjour prolongé en France pour cause de maladie. Un couple avait séjourné en l’espèce durant de longues périodes en France pendant un délai de 2 ans dans un appartement qu’il détenait en raison de la maladie de la mère de l’épouse du contribuable. Il avait été précisé dans cet arrêt que “le foyer s’entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu’il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles” (CE, sect., 3 nov. 1995, « Larcher »). Les séjours prolongés en France au cours de ces deux années n’avaient donc pas emporté transfert du foyer en France.
La Direction des Impôts des Non-Résidents (DINR) a d’ailleurs indiqué dans un communiqué récent qu’un séjour temporaire au titre du confinement en France, ou de restrictions de circulation (« travel ban») décidées par le pays de résidence, n’est pas de nature à caractériser une domiciliation fiscale en France, au titre de l’article 4 B du Code général des impôts. L’administration fiscale précise également, dans ce communiqué, qu’au regard des conventions internationales, le fait qu’une personne soit retenue provisoirement en France, en raison d’un cas de force majeure, n’est pas de nature, par ce seul motif, à la considérer comme y ayant établi son foyer permanent ou le centre de ses intérêts vitaux.
Ainsi, à supposer que les non-résidents ne remplissent, de façon certaine, aucun autre critère de domiciliation fiscale en France (par exemple, ne pas avoir en France le centre de ses intérêts économiques), leur séjour prolongé en France en 2020 en raison du confinement devrait être considéré comme résultant de circonstances exceptionnelles et ne devrait pas emporter transfert de leur foyer en France. En revanche, la réponse est plus incertaine pour les non-résidents qui rempliraient d’autres critères de domiciliation fiscale en France (de par l’existence de liens privilégiés avec la France), notamment dans un contexte post-crise sanitaire où l’Etat français aura à cœur de restaurer les finances publiques, mises à mal par la situation actuelle.
Nicolas Vanderchmitt, Associé
Marie-Gabrielle du Bourblanc, Collaborateur
Sandra Tran, Collaborateur