Smart Alert Covid-19 | Contrats Commerciaux | Impacts de la crise du Covid-19 sur les contrats
Raphaël Chantelot
Stéphane ErardAssociéParisStéphane Erard
Julie CittadiniAssociéParisJulie Cittadini
Frédéric BaillyAssociéParisFrédéric Bailly
Sandra HundsdörferAssociéParisSandra Hundsdörfer
Prudence CadioAssociéParisPrudence Cadio
Smart Alert Covid-19 | Contrats Commerciaux | Impacts de la crise du Covid-19 sur les contrats
La question qui anime les acteurs économiques depuis le début de l’épidémie du Coronavirus (Covid-19) est celle de l’avenir de leurs contrats commerciaux.
En effet, toute entreprise s’interroge sur ses capacités à satisfaire à ses obligations contractuelles dans ce contexte inédit : certaines entreprises confrontées à des difficultés d’exécution de leurs obligations souhaiteraient s’en dispenser par la mise en œuvre de la force majeure ou d’autres fondements juridiques et ainsi obtenir la résiliation de ces contrats ; tandis que d’autres, devant subir ces manquements, souhaiteraient s’opposer à la mise en œuvre de ces mécanismes. Et s’agissant des accords commerciaux à naître, ceux-ci devront nécessairement prendre en compte les risques et conséquences inhérents au Covid-19 et toute épidémie de même ampleur.
Une analyse circonstanciée de chaque contrat doit être menée avant d’envisager la possibilité de valablement s’exonérer de tout ou partie de ses obligations en invoquant la force majeure (1.), l’imprévision (2.) ou d’autres clauses prévues contractuellement (3.).
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Force majeure et Covid-19
La qualification de force majeure de l’épidémie n’est pas automatique : toutes les conditions édictées par l’article 1218 du Code civil devront être réunies.
La force majeure consiste en un évènement empêchant un contractant d’exécuter ses obligations lorsque cet évènement (i) échappe à son contrôle, (ii) n’était raisonnablement pas prévisible au moment de la conclusion du contrat et (iii) que ses effets sont insurmontables, de sorte que l’inexécution du contrat est devenue inévitable.
Avant toute chose, une attention particulière devra être portée au libellé de la clause de force majeure. Suivant sa rédaction, il conviendra de :
- rechercher si les épidémies, pandémies, infections ou restrictions gouvernementales sont couvertes par la clause et si des exceptions y sont prévues ;
- rechercher si le débiteur de l’obligation avait accepté de supporter le risque d’un cas de force majeure, si les motifs avancés sont suffisants pour invoquer une résiliation du contrat et si son exécution devait être préalable à la survenance du cas de force majeure ;
- veiller au respect du formalisme imposé par cette clause pour mettre en œuvre la force majeure ;
- examiner s’il existe d’autres moyens d’exécuter les obligations contractuelles ou s’il est possible d’anticiper les conséquences du Covid-19 ;
- se préparer à l’éventualité d’un contentieux en cas de contestation sur l’application de la clause de force majeure et ainsi analyser la clause de résolution des litiges si un différend survient et qu’elles ne parviennent pas à le résoudre amiablement.
Une brève analyse de la jurisprudence permet de constater une certaine réticence des juges à qualifier de force majeure les épidémies passées (H1N1, Chikungunya, Dengue …)[1].
Toutefois, la situation actuelle est bien différente, tant par l’ampleur que par la gravité du Covid-19 :
- Comme toute épidémie, elle échappe bien évidemment au contrôle de l’entreprise, en ce qu’elle constitue un événement extérieur et indépendant de la volonté de celle-ci.
- Sur le caractère imprévisible du Covid-19 lors de la formation du contrat, une question de temporalité émerge puisqu’il devra être démontré le lien entre l’épidémie et l’impossibilité d’exécuter :
- Il sera difficile de démontrer le caractère imprévisible de l’épidémie si le contrat devait être conclu après les diverses annonces internationales et françaises : le cocontractant pouvant raisonnablement prévoir l’épidémie au moment de la conclusion du contrat, les juges pourront considérer qu’il a accepté le risque de cette épidémie.
- En revanche, pour tout contrat préexistant à ces annonces, son caractère prévisible pourrait être discuté. La principale difficulté sera celle de la détermination de la date à partir de laquelle l’intervention du Covid-19 sur le contrat aurait pu être anticipée. Faut-il retenir la date de la première contamination en Chine, la date à laquelle l’Organisation Mondiale de la Santé a qualifié de pandémie le Covid-19 ou la date de la première contamination en France ? Ou bien encore la date à laquelle les pouvoirs publics ont limité/interdit les rassemblements et déplacements de la population ?
- Sur l’irrésistibilité de l’épidémie, celle-ci doit rendre impossible l’exécution du contrat, et non pas seulement plus difficile ou plus onéreuse.
En l’espèce, pour qualifier de force majeure les évènements actuels, les juges pourront dissocier l’épidémie en tant que telle des mesures inédites de police administrative prises par les autorités pour enrayer la propagation du Covid-19.
Ainsi, certains éléments sont en faveur d’une qualification du Covid-19 en cas de force majeure, comme :
- La qualification par l’OMS d’ « urgence de santé publique de portée internationale » le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020 ;
- La fermeture de nombreux sites de production, de sites de sous-traitance, de site de distribution tant en France qu’à l’international ;
- Les différentes mesures gouvernementales françaises et internationales visant à limiter/interdire les rassemblements de population ou encore les fermetures de certaines frontières ;
- La délivrance de « certificat de force majeure » par certains Etats, chambres de commerce et d’industrie voire d’autres organismes (comme par exemple, en Chine ou en Bulgarie).
Toutefois, nous ne pouvons anticiper la position des juges sur la qualification du Covid-19 en cas de force majeure, ces derniers conservant, par une analyse in concreto de la situation, un pouvoir souverain en la matière.
Une dernière précision doit être apportée quant aux effets de la force majeure. Par principe, elle suspend l’exécution du contrat mais ne fait pas disparaître définitivement l’obligation d’exécution. Ainsi, lorsqu’il ne s’agit que d’un empêchement temporaire d’exécuter, les obligations ne pouvant être honorées le seront dès que l’évènement de force majeure cessera de faire obstacle à leur bonne exécution.
A l’inverse, si la date d’exécution de l’obligation constituait un élément essentiel du contrat pour le créancier, ou que l’empêchement est définitif, le créancier est fondé à se prévaloir d’une résolution de plein droit du contrat (ie sans saisine préalable du juge), les obligations étant purement et simplement éteintes conformément aux articles 1351 et 1351-1 du Code civil.
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Imprévision et Covid-19
L’imprévision, telle que résulte de l’article 1195 du Code civil, se distingue de la force majeure en ce que (i) elle n’inclut aucune impossibilité d’exécuter, mais s’entend (ii) de la menace de graves pertes financières associée à la poursuite de l’exécution en l’état. Pour schématiser, là où la force majeure se caractérise par une impossibilité matérielle d’exécuter, l’imprévision répond à une difficulté financière majeure à exécuter.
Le changement de circonstances devra être imprévisible à la date de la formation du contrat (nous retrouvons sur ce point les interrogations précédentes) et doit avoir rendu l’exécution du contrat excessivement onéreuse.
Il conviendra là aussi de porter une attention particulière au libellé de la clause d’imprévision, les parties ayant pu contractuellement exclure l’application de cet article.
Si les conditions sont satisfaites à son application, elle permettra à un cocontractant de demander la renégociation du contrat. Ce n’est qu’en cas de refus ou d’échec de la renégociation que les parties pourront convenir de la résolution du contrat.
A noter que pendant toute la durée de la renégociation, les cocontractants doivent continuer à exécuter leurs obligations.
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Changement ou effet défavorable significatif et autres dispositifs
Les contrats peuvent contenir d’autres clauses permettant, dans un contexte tel que celui du Covid-19, de se soustraire à l’exécution du contrat, de le réviser voire de le résilier : clause MAC (material adverse change), clause MAE (material adverse effect) ou encore des clauses de rencontre, de révision de prix, de produits ou de délais…
De plus, les entreprises, confrontées à des difficultés financières engendrées par la crise économique et résultant de l’épidémie, peuvent avoir recours à des procédures préventives permettant la renégociation avec leurs créanciers (saisine du Médiateur des entreprises, conciliation ou encore mandat ad hoc….).
En tout état de cause, il ne faut pas négliger non plus la possibilité d’une redéfinition des clauses contractuelles d’un commun accord des parties, sans intervention tierce : le débiteur de l’obligation peut dialoguer avec son créancier et l’informer le plus tôt possible de la situation concrète à laquelle il est confronté (impossibilité de livraison, retard pris…). Sur la base des stipulations contractuelles, il pourra tenter de négocier avec lui, l’Etat ayant appelé les acteurs économiques à faire preuve de solidarité.
L’équipe Fusion-Acquisitions / Droits des Sociétés se tient à votre disposition pour vous accompagner dans l’anticipation des conséquences éventuelles du Covid-19 sur vos contrats et dans l’analyse des droits et des obligations en découlant.
[1] Epidémie H1N1 (CA Besançon, 8 janv. 2014, n°12/0229) ou de dengue (CA Nancy, 22 nov. 2010 n°09/00003)