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Smart Alert | Le temps de déplacement domicile – lieu de travail des salariés itinérants peuvent constituer du temps de travail effectif

Smart Alert | Le temps de déplacement domicile – lieu de travail des salariés itinérants peuvent constituer du temps de travail effectif

Un récent arrêt rendu le 23 novembre dernier (Cass. soc., 23 nov. 2022, n°20-21.924) a marqué un revirement dans le droit positif et notamment dans la jurisprudence de la Cour de cassation s’agissant de la qualification des temps de déplacement entre le domicile et le lieu de travail, et particulièrement s’agissant des salariés itinérants.

Pour rappel, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif en vertu de l’article L.3121-4 du code du travail.

La Cour de cassation faisait jusqu’alors une application stricte de ce principe (Cass. soc. 30 mai 2018 n° 16-20.634), malgré la divergence de position avec le juge européen (CJUE).

En effet, cette position du juge national différait de celle de la CJUE qui considère, au regard de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, que les temps de déplacement des salariés itinérants compris entre leur domicile et les sites de leur premier et dernier client constituent un temps de travail effectif (CJUE, 3e ch., 10 sept. 2015, aff. C-266/14, Federación de Servicios Privados del sindicato Comisiones obreras).

La CJUE a surtout jugé, en 2021, que les notions de « temps de travail » et de « période de repos » constituent des notions de droit de l’Union auxquelles les Etats ne pouvaient déroger en y apportant des conditions ou restrictions incompatibles avec celles-ci (CJUE, gr. ch., 9 mars 2021, aff. 344/19, Radiotelevizija Slovenija, points 30 et 31).

Ainsi, l’interprétation large de l’article L.3121-4 du code du travail qui conduit à retenir que les temps de déplacements entre le domicile et le lieu de travail ne constituent pas en tout état de cause un temps de travail effectif, est incompatible avec la position du juge européen.

Dans ce contexte, la Cour de cassation a été contrainte de modifier sa position et retenu qu’il y a « lieu de juger désormais que lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu’elle est fixée par l’article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d’application de l’article L. 3121-4 du même code » (Cass. soc., 23 nov. 2022, n°20-21.924).

En l’espèce, la Cour de cassation a approuvé le raisonnement de la cour d’appel, celle-ci ayant appliqué le principe précité en considérant que le salarié itinérant se tenait à la disposition de son employeur pendant ses déplacements puisqu’il devait répondre à son téléphone portable professionnel, être en mesure de fixer des rendez-vous, d’appeler et de répondre à ses divers interlocuteurs, qu’il ne se rendait que de façon occasionnelle au siège de l’entreprise pour l’exercice de sa prestation de travail et disposait d’un véhicule de société pour intervenir auprès des clients de l’entreprise, ce qui le conduisait, parfois, à la fin d’une journée de déplacement professionnel, à réserver une chambre d’hôtel afin de pourvoir reprendre, le lendemain, le cours des visites programmées.

Le salarié était donc fondé à demander un rappel d’heures supplémentaires en raison de son temps de travail effectif pendant ses déplacements entre son domicile et son lieu de travail.

En conséquence, afin de déterminer la nature de ces temps de trajet, il convient de déterminer si le salarié itinérant se tient ou non à la disposition de l’employeur pendant ses déplacements entre son domicile et le premier site de travail et entre le dernier site de travail et son domicile sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles (par exemple, s’il prend les appels de son employeur pour fixer ses rendez-vous et s’il appelle divers interlocuteurs à des fins professionnelles comme des clients, des collègues, etc.), alors il s’agira d’un temps de travail effectif, lequel doit être comptabilisé et rémunéré comme tel.

Il convient de rappeler que lorsque le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail et le quitter n’est pas qualifiable de temps de travail effectif mais qu’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière, sauf pour la part de ce temps de déplacement professionnel qui coïnciderait éventuellement avec l’horaire de travail et qui ne doit entraîner aucune perte de salaire (article L.3121-4 alinéa 2 du code du travail).

Pour les salariés itinérants, qui par définition ne disposent pas d’un lieu de travail habituel de référence, la Cour de cassation retient que le temps de déplacement doit entrainer une contrepartie sous forme de repos ou sous forme financière si ce temps dépasse le temps normal de trajet d’un travailleur se rendant de son domicile à son lieu de travail habituel (Cass. soc. 14 novembre 2012, n° 11-18.571).

Cette comparaison effectuée entre le temps de déplacement domicile-lieu de travail d’un salarié itinérant et celui d’un salarié « sédentaire » demeure applicable lorsque le temps de déplacement du salarié itinérant ne constitue pas un temps de travail effectif.

Cass. soc., 23 nov. 2022, n°20-21.924