Smart News Droit Social Juillet 2021
Sandra Hundsdörfer
Karine BézilleAssociéParisKarine Bézille
Sophie MarinierAssociéParisSophie Marinier
Nous vous proposons de retrouver régulièrement une sélection de l’actualité légale et jurisprudentielle en droit social.
ACTUALITÉ
Actualisation du protocole sanitaire en entreprise
Le protocole sanitaire a assoupli, à compter du 30 juin 2021, les règles relatives aux jauges ainsi qu’il suit :
- Suppression des jauges pour la restauration collective et les commerces ;
- Levée de la limite de 25 personnes pour les moments de convivialité à l’extérieur moyennant le respect des gestes barrières.
Par ailleurs, de nouvelles recommandations sont formulées en matière de vaccination :
- Il est attendu des employeurs, au regard des impératifs de santé publique, qu’ils autorisent leurs salariés à s’absenter pendant les heures de travail, pour leur faciliter l’accès à la vaccination.
- Le salarié se rapproche de son employeur afin de déterminer la meilleure manière d’organiser cette absence, notamment en l’absence de service de santé au travail.
Concernant le télétravail, les règles demeurent les mêmes : il revient aux entreprises de définir un nombre minimal de jours de télétravail par semaine, le cas échéant après information et consultation des représentants des salariés.
Protocole national pour assurer la santé et la sécurité et la sécurité des salariés face à l’épidémie de COVID-19, actualisation du 30 juin 2021
Covid-19 : Prolongation du dispositif des arrêts de travail dérogatoires
Le décret n° 2021-770 du 16 juin 2021 prolonge jusqu’au 30 septembre 2021 le dispositif des arrêts de travail dérogatoires.
Pour rappel, les salariés bénéficiaires peuvent percevoir :
- les indemnités journalières de sécurité sociale sans condition d’ouverture des droits, sans délai de carence et sans comptabilisation dans les durées maximales de versement de ces indemnités ;
- les indemnités complémentaires légales à la charge de l’employeur sans condition d’ancienneté, ni justification de l’arrêt de travail dans les 48 heures ni délai de carence et sans que la durée d’indemnisation soit décomptée de la durée maximale d’indemnisation.
Décret n° 2021-271 du 11 mars 2021 modifiant le décret n° 2021-13 du 8 janvier 2021
Questions-réponses relatif à l’activité partielle de longue durée : rappel de la procédure de renouvellement
Le Ministère du travail rappelle la procédure de renouvellement de l’autorisation de recourir au dispositif d’activité partielle de longue durée.
L’employeur peut faire une demande de renouvellement tous les 6 mois, sachant que le bénéfice du dispositif est limité à 24 mois sur une période de 36 mois.
Au vu du bilan communiqué par l’employeur, la DDETS peut décider ou non de renouveler la période d’activité partielle de longue durée.
Fiche du 17 juin 2021 relative à la procédure de renouvellement relative à l’activité partielle de longue durée
JURISPRUDENCE
Règles applicables à la requalification de CDD successifs en CDI
Par une série d’arrêts, la Cour de cassation est venue ajouter des précisions sur l’action en requalification et ses conséquences.
- Délai de prescription :
En cas de requalification pour non-respect du délai de carence imposé entre CDD successifs, l’action est soumise à un délai de prescription qui court à compter du premier jour d’exécution du second contrat et non à compter de la date de signature du contrat litigieux.
- Base de calcul de sommes dues en cas de requalification :
- Le salarié dont les CDD sont requalifiés en CDI peut prétendre à un rappel de salaire pour les périodes inter-contrats dès lors qu’il s’est tenu à la disposition de son employeur. La Cour de cassation indique que, pour le calcul de ce rappel de salaire, il convient de prendre en compte, pour chaque période interstitielle, le salaire et la durée prévue dans le CDD qui l’a précédée.
- Pour le calcul du salaire de référence servant de base aux indemnités liées à la requalification, il faut se baser sur la rémunération des 12 derniers mois, peu important que le nombre de jours travaillés ait diminué au fur et à mesure des CDD conclus.
- Calcul de l’indemnité compensatrice de préavis :
- Il convient de prendre en compte le salaire que le salarié aurait dû percevoir s’il avait pu exécuter le préavis, sans limiter la somme en retenant le salaire mensuel moyen issu des périodes antérieures à la rupture.
- Dans le cas d’un salarié demandant à la fois la requalification de ses CDD en CDI et la requalification d’un travail à temps partiel en travail à temps complet, il revient au juge de préciser si, au jour de la rupture, le salarié était à temps complet ou à temps partiel pour qu’ensuite ce rapport soit appliqué au calcul de l’indemnité compensatrice de préavis.
Cass. soc., 5 mai 2021, n° 19-14.295, FS-P
Cass. soc., 2 juin 2021, n° 19-16.183, FS-P
Cass. soc., 2 juin 2021, n° 19-18.080, FS-P
Cass. soc., 2 juin 2021, n° 19-16.183, FS-P
Cass. soc., 2 juin 2021, n° 20-10.141, FS-P
Convention de forfait en jours : charge de la preuve en cas de litige sur l’existence ou le nombre de jours travaillés
La Cour de cassation rappelle qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d’une convention de forfait en jours, la charge de la preuve ne repose spécialement sur aucune des parties.
Dès lors, le juge ne peut, pour rejeter une demande de paiement de jours travaillés, se fonder sur l’insuffisance des preuves apportées par le salarié mais doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié et que l’employeur est tenu de lui fournir.
En cas de contentieux, l’employeur doit ainsi fournir au juge des éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Cass. soc., 2 juin 2021, n° 19-16.067, F-D
Exposition à l’amiante dans un établissement non listé ACAATA : possibilité d’agir contre l’employeur
Dans le prolongement de l’arrêt rendu par sa formation plénière le 5 avril 2019, la Cour de cassation rappelle que le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, pour manquement de ce dernier à cette obligation, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ouvrant droit à la préretraite amiante.
Cass. soc., 2 juin 2021, n° 19-15.575, FS-D
Etablissements distincts : nécessité de rechercher l’autonomie effective des chefs d’établissement
Dans le cadre de la fixation par décision unilatérale de l’employeur du nombre d’établissements distincts, la Cour de cassation précise qu’en cas de contestation de cette décision unilatérale par les syndicats et de l’annulation de cette décision par l’inspection du travail :
- le tribunal saisi de la contestation de la décision administrative peut la confirmer ou substituer sa décision à celle de la Direccte ;
- en application de l’article L. 2313-4 du Code du travail, lorsqu’ils résultent d’une décision unilatérale de l’employeur, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques sont fixés compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel.
Dans ce cadre, elle considère que la qualité d’établissement distinct est appréciée au regard de deux critères :
- l’autonomie de décision suffisante des responsables des établissements concernés pour la gestion du personnel et l’exécution du service ;
- le niveau de reconnaissance d’établissements distincts pour la mise en place des CSE, qui doit permettre l’exercice effectif de ses prérogatives par l’institution représentative du personnel.
Ces critères sont appréciés au regard des éléments produits non seulement par l’employeur, mais aussi par les organisations syndicales qui contestent la décision unilatérale de l’employeur. Le juge doit également analyser la réalité de l’autonomie de décision alléguée par l’employeur.
Cass. soc., 9 juin 2021, n° 19-23.153, P+R ;Cass. soc., 9 juin 2021, n° 19-23.745, P+R
Conséquences de la survenance du terme du détachement d’un salarié à l’étranger
La réintégration du salarié à l’issue d’un détachement à l’étranger ne résulte pas de la mise en œuvre d’une clause de mobilité géographique mais du terme du détachement. Par cette décision, la Cour de cassation offre la possibilité aux employeurs, si l’avenant au contrat de travail du salarié portant détachement ne précise pas le lieu de travail au retour du détachement, de le rapatrier et de le réintégrer dans le groupe, la société pouvant parfaitement l’affecter sur un autre site en France.
Le salarié ne pourra pas refuser sa réintégration sur un autre site au motif que les primes de mobilité interrégionales et les aides au déménagement et au logement aient été supprimées et que la mutation porte ainsi une atteinte excessive à sa vie personnelle et familiale. En effet, la Cour de cassation considère dans ce cadre que le licenciement du salarié en raison de son refus de réintégration est justifié.
En matière de mobilité internationale, la liberté contractuelle demeure donc.
Cass. soc., 9 juin 2021, n° 19-24.366, F-D
Le diplôme, critère objectif permettant d’individualiser la rémunération
De jurisprudence constante, une différence de traitement peut être opérée si elle repose sur des critères objectifs et pertinents, matériellement vérifiables et notamment étrangers à toute discrimination.
Par un nouvel arrêt, la Cour de cassation vient rappeler que le diplôme est utile à l’exercice des fonctions du salarié et qu’il constitue un critère objectif justifiant une différence de rémunération.
Ainsi, à classification et coefficient identique, la rémunération de salariés peut être différente du fait de diplômes de niveaux supérieurs utiles à l’exercice des fonctions, notamment lorsqu’ils attestent de connaissances particulières utiles à l’exercice du poste occupé.
Cass. soc., 16 juin 2021, n° 19-18.965, inédit
Responsabilité pénale d’une société holding pour des actes de corruption commis par des salariés de ses filiales
Selon l’article 121-2 du Code pénal, les personnes morales sont déclarées pénalement responsables s’il est établi qu’une infraction a été commise pour leur compte par leurs organes ou représentants.
En l’espèce, des actes de corruption active d’agent public étranger ont été commis pour le compte de la société mère d’un groupe de sociétés par la combinaison des interventions de consultants / salariés des filiales de la société et du RAC (Risk Assessment Committee). Or, la Cour de cassation considère que ces consultants sont des représentants de fait de la société en raison de l’existence de l’organisation matricielle et transversale propre au groupe et des missions qui leur étaient confiées. A cet égard, il importe donc peu qu’il n’existe aucun lien juridique entre la société mère et la filiale, ni aucune délégation de pouvoirs à leur profit, la double hiérarchie (filiale / société mère) suffisant à qualifier la représentation de la personne morale. Par ailleurs, la Cour relève que le RAC central était composé de dirigeants du groupe dont la mission l’amenait à valider, pour le compte de ce groupe, le recours à des paiements illicites sous couvert de contrat de consultants.
La Cour de cassation confirme donc qu’une société holding peut engager sa responsabilité pénale pour des actes de corruption commis par des salariés de ses filiales pour son compte. Elle approuve la cour d’appel qui a retenu que les salariés des trois filiales de la société mère ainsi que le RAC avaient la qualité d’organe au sens de l’article 121-2 du code pénal.
Cass. soc., 16 juin 2021, n° 20-83.098, F-D
La vidéosurveillance constante du lieu où un salarié travaille seul est disproportionnée
Aux termes de l’article L. 1121-1 du Code du travail, « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
La Cour de cassation vient rappeler par une nouvelle décision cette obligation de proportionnalité et sanctionne le licenciement d’un salarié prononcé pour des faits prouvés par la vidéosurveillance. Constatant que le salarié, qui exerçait seul son activité en cuisine, était soumis à la surveillance constante de la caméra qui y était installée, elle en déduit que les enregistrements étaient attentatoires à la vie personnelle du salarié et disproportionnés au but allégué par l’employeur de sécurité des personnes et des biens.
Cass. soc., 23 juin 2021, n° 19-13-856, FS-B