Smart News Droit Social Juin 2021
Sophie Marinier
Sandra HundsdörferAssociéParisSandra Hundsdörfer
Karine BézilleAssociéParisKarine Bézille
Nous vous proposons de retrouver régulièrement une sélection de l’actualité légale et jurisprudentielle en droit social.
ACTUALITÉ
Nouvelle classification des arrêts de la Cour de cassation
Jusqu’à présent, les arrêts signalés de la Cour de cassation étaient siglés « P.B.R.I. ».
Dans un double but de clarification et de simplification, la Cour de cassation a décidé de faire évoluer le siglage des arrêts en « B » et « R » au regard de leur portée jurisprudentielle, et en « L » et « C » pour préciser qu’il s’agit d’arrêts dont la Cour de cassation souhaite communiquer plus largement :
- B : arrêt publié au Bulletin ;
- R : arrêt publié et commenté dans le Rapport annuel d’activité de la Cour de cassation ;
- L : arrêt sélectionné pour être commenté dans les Lettres des Chambres dont sont destinataires les présidents de cour d’appel ;
- C : arrêt qui donne lieu à une communication immédiate à destination du grand public.
Lettre de la Cour de cassation du 21 avril 2021 de la Première Présidente de la Cour de cassation adressée à Mesdames et Messieurs les Premiers présidents des cours d’appel.
Les modalités de prise du congé de paternité et d’accueil de l’enfant sont précisées
A compter du 1er juillet 2021, le congé de paternité et d’accueil de l’enfant est porté à 25 jours calendaires fractionnables pour une naissance simple et à 32 jours calendaires en cas de naissances multiples. Ce congé est applicable pour les enfants nés à partir du 1er juillet 2021, ou nés avant mais dont la naissance était supposée intervenir à partir de cette date. Le congé doit être pris dans les 6 mois de la naissance de l’enfant.
- Composition du congé
Le congé de paternité est composé comme suit :
- une période de 4 jours calendaires obligatoires et consécutifs, faisant suite immédiatement au congé de naissance de 3 jours,
- une période de 21 jours calendaires (ou 28 jours en cas de naissances multiples) qui peut être fractionnée en deux périodes d’une durée minimale de 5 jours chacune.
- Information de l’employeur
Le salarié qui souhaite bénéficier du congé de paternité et d’accueil de l’enfant doit informer son employeur :
- de la date prévisionnelle de l’accouchement au moins un mois avant celle-ci,
- des dates de prise et des durées de la ou des périodes de congés (pour la période de 21 ou 28 jours) au moins un mois avant le début de chacune des périodes.
En cas de naissance de l’enfant avant la date prévisionnelle d’accouchement et lorsque le salarié souhaite débuter la ou les périodes de congés au cours du mois suivant la naissance, il doit en informer sans délai son employeur.
- Report du délai de six mois de prise du congé
A noter que le congé peut être reporté au-delà des 6 mois (cf. précédemment) dans l’un des cas suivants :
- l’hospitalisation de l’enfant. Le congé est pris dans les 6 mois qui suivent la fin de l’hospitalisation ;
- le décès de la mère. Le congé est pris dans les 6 mois qui suivent la fin du congé dont bénéficie le père en application de l’article L. 1225-28 du Code du travail.
Décret n°2021-574 du 10 mai 2021 relatif à l’allongement et à l’obligation de prise d’une partie du congé de paternité et d’accueil de l’enfant.
Actualisation du protocole sanitaire en entreprise
Trois nouvelles recommandations sont formulées :
- Les entreprises peuvent mettre à disposition de leurs salariés des autotests, dans le respect des règles de volontariat et de secret médical avec une information du salarié par un professionnel de santé ;
- Vaccination : il revient aux employeurs d’informer les salariés sur les modalités d’accès à la vaccination par le service de santé au travail de l’entreprise ;
- Renforcement des mesures d’aération et ventilation des lieux de travail : il est nécessaire d’aérer les locaux par une ventilation naturelle ou mécanique en état de marche (portes et/ou fenêtres ouvertes autant que possible, idéalement en permanence si les conditions le permettent et au minimum 5 minutes toutes les heures). Si possible, la pièce doit être de préférence ventilée par deux points distincts (porte et fenêtre par exemple).
À partir du 9 juin 2021, le télétravail est assoupli :
- La limite d’une journée en présentiel pourra être dépassée : le protocole permet à l’employeur de fixer dans le cadre du dialogue social de proximité, un nombre minimal de jours de télétravail par semaine, pour les activités qui le permettent et en s’appuyant sur l’Accord National Interprofessionnel du 26 novembre 2020 ;
- Les réunions en audio ou en visioconférence restent à privilégier, mais peuvent se tenir en présentiel : sous réserve de respecter les gestes barrières, notamment le port du masque, les mesures d’aération/ventilation des locaux ainsi que les règles de distanciation ;
- Les moments de convivialité sont autorisés : sous réserve d’être organisés dans le strict respect des gestes barrières, notamment le port du masque, les mesures d’aération/ventilation et les règles de distanciation. Il est recommandé que ces moments de convivialité se tiennent dans des espaces extérieurs et ne réunissent pas plus de 25 personnes.
Protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés face à l’épidémie de COVID-19, actualisation des 18 mai 2021 et 9 juin 2021.
Congé de reclassement
Prolongation du congé de reclassement en cas de formation de reconversion professionnelle
La durée du congé de reclassement peut être portée à 24 mois (au lieu de 12 mois) en cas de formation de reconversion professionnelle.
Précisions sur la rémunération des salariés à temps partiel
Selon les dispositions légales, pendant la période du congé de reclassement excédant la durée du préavis, le salarié bénéficie d’une allocation mensuelle dont le montant est au moins égal à 65 % de sa rémunération mensuelle brute moyenne au titre des 12 derniers mois précédant la notification du licenciement (article R. 1233-32 du Code du travail).
Le décret précise que lorsqu’au cours de ces 12 mois, le salarié a exercé son emploi à temps partiel dans le cadre d’un congé parental d’éducation, d’un congé de proche aidant, d’un congé de présence parentale ou d’un congé de solidarité familiale, il est tenu compte pour le calcul de la rémunération brute moyenne du salaire qui aurait été le sien s’il avait exercé son activité à temps plein sur l’ensemble de la période.
Décret n°2021-626 du 19 mai 2021 relatif au congé de reclassement.
Prolongation des mesures dérogatoires liées à la pandémie
La loi n°2021-689 du 31 mai 2021 organise, pour la période comprise entre le 2 juin et le 30 septembre 2021, le régime juridique de la sortie de l’état d’urgence sanitaire et permet le maintien ou la réactivation de certaines mesures dont notamment celles relatives :
- À la faculté, par accord collectif, d’imposer la prise des congés payés, de jours de RTT, de CET et de repos ;
- À l’assouplissement du régime juridique des CDD et contrat de missions (sur le renouvellement et le délai de carence) ;
- Au recours facilité au prêt de main d’œuvre (la convention de prêt main d’œuvre peut porter sur la mise à disposition de plusieurs salariés, l’avenant au contrat de travail peut ne pas comporter les horaires d’exécution du travail mais le volume hebdomadaire des heures de travail durant lesquelles le salarié est mis à disposition, une entreprise ayant mis en place le chômage partiel peut mettre à disposition des salariés en facturant à l’entreprise utilisatrice un montant inférieur aux salaires, charges sociales et frais professionnels des salariés mis à disposition) ;
- Au report de l’application de la sanction applicable en cas d’inexécution des obligations liées aux entretiens professionnels d’abondement de 3.000 € au CPF de salariés concernés au 30 septembre 2021 ;
- À la faculté de réunir le CSE à distance ;
- Aux adaptations des missions de la Médecine du travail (participation à la vaccination, prescription d’arrêts de travail et des certificats médicaux pour les salariés vulnérables, report des visites médicales, tests virologiques).
Loi n°2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire.
Précisions sur l’exonération de la prime exceptionnelle au pouvoir d’achat (PEPA)
Le premier projet de loi de finances rectificative de l’année 2021, présenté en Conseil des ministres le 2 juin 2021, prévoit l’exonération de cotisations et contributions sociales et d’impôt sur le revenu de la prime versée entre le 1er juin 2021 et le 31 mars 2022.
Sont concernés les salariés ayant perçu au cours des 12 mois précédant le versement de la prime une rémunération inférieure à trois fois la valeur annuelle du Smic. Le montant de la prime est limité à 1.000 € par bénéficiaire. Ce plafond peut être porté à 2.000 € pour (sauf pour les fondations et associations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général) :
- Les entreprises mettant en œuvre un accord d’intéressement à la date de versement de la prime ou la conclusion, avant cette même date, d’un accord prenant effet avant le 31 mars 2022 ;
- Ou les entreprises couvertes par un accord de branche ou par un accord d’entreprise, lequel identifie les salariés qui, en raison de la nature de leurs tâches ont contribué directement à la continuité de l’activité économique et au maintien de la cohésion sociale, et dont l’activité s’est exercée, en 2020 ou 2021, uniquement ou majoritairement sur site pendant les périodes d’état d’urgence sanitaire, ou ont engagé une négociation d’entreprise sur le sujet, ou dont l’activité principale relève d’une branche ayant engagé de telles négociations.
Le projet de loi précise également que la prime :
- est versée aux salariés liés à l’entreprise par un contrat de travail, aux intérimaires mis à disposition de l’entreprise utilisatrice, aux agents publics relevant de l’établissement public à la date de versement de cette prime ou à la date de dépôt de l’accord ou de la signature de la décision unilatérale ;
- doit être prévue par accord d’entreprise ou de groupe ou après information du CSE, par une décision unilatérale de l’employeur ;
- que son montant puisse être modulé selon les bénéficiaires en fonction de la rémunération, du niveau de classification, de la durée de présence effective pendant l’année écoulée ou la durée de travail prévue au contrat de travail.
Projet de loi de finances rectificative de l’année 2021, article 2.
JURISPRUDENCE
L’égalité de traitement ne s’applique pas aux transactions conclues avec d’autres salariés
L’article 2044 du Code civil prévoit que la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître.
En l’espèce, dans le cadre d’un PSE, une société avait conclu avec plusieurs salariés de l’entreprise une transaction relative au paiement d’une indemnité, laquelle était prévue par l’accord collectif portant sur le PSE. D’autres salariés, qui faisaient valoir qu’ils étaient placés dans la même situation que les salariés bénéficiaires d’une transaction, revendiquaient le versement de la prime prévue par l’accord. Confrontés au refus de l’employeur, ils ont saisi le Conseil de prud’hommes en invoquant une inégalité de traitement.
L’employeur soulevait que le principe d’égalité de traitement ne s’applique qu’aux avantages que l’employeur accorde aux salariés. Or, la conclusion d’une transaction, qui suppose la renonciation du salarié à agir en justice et implique que sa prétention ne sera jamais tranchée, ne constitue pas un avantage pour le salarié, peu important qu’elle prévoit le paiement d’une indemnité transactionnelle en contrepartie de sa renonciation cette prétention.
Ce raisonnement est suivi par la Cour de cassation, laquelle considère qu’un salarié ne peut invoquer le principe d’égalité de traitement pour revendiquer les droits et avantages d’une transaction conclue par l’employeur avec d’autres salariés pour terminer une contestation ou prévenir une contestation naître.
Cass. soc., 12 mai 2021, n°20-10.796, F-P.
Demande d’annulation du protocole préélectoral et des élections professionnelles
Un syndicat conteste le protocole préélectoral et demande corrélativement l’annulation des élections professionnelles qui en découleront (sans que celles-ci ne se soient encore tenues).
Le tribunal d’instance déclare irrecevable la demande d’annulation des élections professionnelles formulées à cette occasion par le syndicat (bien que les élections se soient déroulées entre la date de saisine et la date du jugement) au motif que le point de départ du délai légal de 15 jours pour en contester la régularité (article R. 2314-24 du Code du travail) n’était pas encore ouvert au jour de la saisine de ce dernier.
La Cour de cassation, au visa de l’article R. 2314-24 du Code du travail, casse ce jugement en considérant que le syndicat qui saisit le tribunal, avant les élections, d’une demande d’annulation du protocole préélectoral est recevable à demander l’annulation des élections à venir en conséquence de l’annulation du protocole préélectoral sollicitée.
Cass. soc., 12 mai 2021, n°19-23.428, F-P.
Recours à un expert pour projet important
Les représentants du personnel peuvent recourir à un expert dans le cadre d’un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (article L. 4614-12, 2° du Code du travail).
Considérant que tel était le cas, un CHSCT avait voté le recours à une expertise à la suite de l’annonce par l’employeur d’un projet de déménagement de leurs locaux.
L’employeur contestait le recours à cet expert, et le Tribunal faisait droit à sa contestation au motif que le stade insuffisamment avancé des principales modalités de ce projet de déménagement ainsi que l’inachèvement de la procédure d’information/consultation du CHSCT ne permettaient pas de qualifier ce projet de « projet important » au sens des dispositions de l’article L. 4614-12 2° du Code du travail.
Telle n’est néanmoins pas la position de la Cour de cassation qui valide le recours à l’expert considérant que le processus décisionnel relatif au regroupement et au déménagement des salariés sur le nouveau site était acquis, et que l’employeur convenait que le projet serait à terme un grand projet immobilier ayant pour effet de générer une redistribution significative des espaces de travail et de leur usage pour les salariés concernés.
Cass. soc., 12 mai 2021, n°19-24.692, F-D.